Solesmes et Prosper Guéranger

Prosper Guéranger ayant été élu Prieur le 10 juillet 1833, la cérémonie de l’installation se fit le lendemain, fête de la Translation des reliques de saint Benoît. Elle fut présidée, au nom de l’Évêque alors absent, par le vénérable chanoine Philippe Ménochet, ancien confesseur de la foi dans la rade de Rochefort. L’Ami de la Religion qui s’était fait naguère l’interprète et l’oracle du gallicanisme en prenant, à sa manière, la défense des liturgies diocésaines, renouvela ses attaques contre le nouveau Prieur et donna des marques publiques de ses mauvaises dispositions envers la communauté de Solesmes. Averti avant l’explosion, Dom Guéranger voulut prévenir un coup qui pouvait être fatal à l’œuvre. Il écrivit au rédacteur ; mais la lettre se croisa à la poste avec l’article qui parut le 30 juillet. Voici en quels termes s’exprimait le serviteur de Dieu.

 

Du Prieuré de Solesmes, diocèse du Mans, ce 1er août 1833.

Au Rédacteur de l’Ami de la Religion.

Monsieur le Rédacteur,

PLACÉ à la tête de l’établissement qui vient de se former à Solesmes, diocèse du Mans, sous la Règle de Saint Benoît et les statuts de la Congrégation de Saint Maur, je viens vous prier de vouloir bien donner place dans votre journal, l’un des organes du Clergé, aux réclamations suivantes, que j’ai l’honneur de vous adresser, tant en mon nom qu’en celui de mes frères.

L’établissement de Solesmes ne s’est formé qu’avec l’autorisation et les encouragements de Mgr l’Évêque du Mans 1 . C’est de lui que nous tenons tout ce que nous sommes, et un seul acte de sa volonté pourrait dissoudre notre réunion, sans que pour cela il nous vînt en pensée d’opposer la plus légère résistance.

Notre but principal 2 , en nous réunissant à Solesmes, a été d’y établir une maison de retraite et de prière, où pût refleurir quelque ombre des anciennes vertus du cloître, et d’offrir un asile aux âmes qui, appelées à la vie religieuse, ne trouvent point en France les secours nécessaires pour suivre leur vocation.

Notre but secondaire 3 a été de nous livrer à l’étude de la science ecclésiastique, considérée tant en elle-même que sous ses rapports avec les autres branches des connaissances humaines. L’Écriture Sainte, l’antiquité chrétienne, le Droit canonique, l’histoire enfin, seront les principaux objets de nos travaux. Du reste, nous sommes loin de nourrir des prétentions incompatibles avec la faiblesse d’une institution qui ne fait que de naître : nous voulons seulement consacrer fidèlement au service de l’Église tous les instants que nous laisse libres la célébration des divins Offices.

Nous ne sommes point une école, et n’entendons appartenir à aucune école. Avant d’admettre un homme dans notre société, nous ne nous enquérons point de sa façon de penser sur des questions que la souveraine autorité de l’Église a cru devoir laisser libres.

Toutefois, nous exigeons de tous nos frères une entière soumission à toutes les décisions et à tous les enseignements du Siège Apostolique, et en particulier à la lettre encyclique de N. S. P. le Pape Grégoire XVI, en date du 18 des calendes de septembre 1832, laquelle lettre encyclique est pleinement expliquée dans ses intentions par le bref apostolique récemment adressé à Mgr l’archevêque de Toulouse.

Quant aux affaires du jour et aux questions personnelles de la politique, nous ne saurions avoir la pensée d’y prendre part. Cette prétention nous semblerait ridicule dans des moines, et coupable dans des hommes qui doivent tout leur temps à la prière et à l’étude.

Nous déposons avec confiance cette protestation dans votre journal, monsieur le Rédacteur, et nous espérons que par ce moyen elle pourra parvenir jusqu’à ces personnes qu’on nous dit avoir pris de notre réunion une occasion de scandale. Nous le leur pardonnons de grand cœur, et les prions de croire que, pas plus qu’elles-mêmes, nous ne connaissons d’autre parti que celui de Jésus-Christ et de son Église, et d’autre doseur infaillible que celui auquel seul la prière du Fils de Dieu a mérité une foi qui ne manquera jamais.

Veuillez agréer,, monsieur le Rédacteur, les sentiments respectueux de votre très humble et très obéissant serviteur,

F. GUÉRANGER, prêtre.

VISITE

DE

MONSEIGNEUR L’ÉVÊQUE DU MANS

AU

PRIEURÉ DE SOLESMES

 

Monseigneur Philippe- Carron, mort le 27 août 1833, eut pour successeur sur le siège de saint julien Mgr Jean-Baptiste Bouvier. Consacré en 1834, le 21 mars, le Prélat voulut faire dès le mois suivant sa première visite au Prieuré de Saint-Pierre. L’abbé Guéranger et ses compagnons achevaient alors leur année de noviciat et se préparaient à émettre les vœux de la Profession, le 11 Juillet, en la fête de la Translation des reliques de saint Benoît.

L’Univers religieux nous fournit les détails de cette touchante solennité. Nous les lui emprunterons ainsi que le discours que le Prieur prononça en cette circonstance.

 

23 Mai 1834.

UNE cérémonie intéressante a eu lieu le 3 mai au Prieuré de Solesmes. Mgr Bouvier, évêque du Mans, est allé visiter ce précieux asile, à l’ombre duquel de courageux novices, dans le silence de la prière et de l’étude, se préparent à contracter dans quelques mois leur premier engagement avec Dieu et l’Église. L’un d’entre eux devait être élevé à l’ordre de prêtrise, et le digne Prélat avait promis de venir célébrer l’ordination à Solesmes, sitôt que les graves occupations du commencement de son épiscopat lui en laisseraient le loisir.

Le 2, dans la soirée, Sa Grandeur est arrivée aux portes du monastère. Elle y a été reçue avec tous les honneurs canoniques par la Communauté, ayant à sa tête M. l’abbé Guéranger, son Prieur, qui a adressé au Prélat le discours suivant

« Monseigneur,

Chassé de son siège épiscopal, errant à travers son vaste diocèse sans trouver où reposer sa tête, un de vos plus vénérables prédécesseurs 4 vint un jour frapper aux portes de ce monastère. Les moines de Solesmes accueillirent le pontife fugitif, et il trouva enfin dans ces murs une hospitalité courageuse. Les annales du diocèse retentissent encore de la gloire qu’un si grand événement répandit tout à coup sur le modeste prieuré. La chaire pastorale s’éleva dans cette même église, sous ces mêmes voûtes. Les plus augustes fondons de l’épiscopat s’accomplirent dans l’enceinte trop étroite de ce temple ; et durant près de trois mois, disent nos chroniques, le village de Solesmes offrit, par l’affluence du peuple fidèle, l’image d’une grande cité.

« La fermeté des cénobites de Solesmes ranima le courage du clergé, réchauffa la foi des peuples, effraya les tyrans de l’Église. Ce fut donc ici que la victoire se décida, et nous sommes fiers, Monseigneur, aujourd’hui surtout, d’habiter une solitude remplie d’aussi nobles souvenirs.

« Car, Monseigneur, c’est un triomphe aussi que votre présence dans ces murs. Seulement ce n’est point pour fuir des ennemis, mais bien poursuivi par les acclamations de l’amour et du respect, après avoir traversé des populations avides de voir le pasteur selon le cœur de tous, que vous venez frapper aux portes de notre manoir.

« Venez, Monseigneur, reconnaître les traces du magnanime Hoël. Ce même portique accueillit son entrée, il y a six siècles. A cette même place il célébra paisiblement le Sacrifice d’anions de grâces. Rien de changé dans ces murs ; toujours même dévouement, même affection, nous oserons même ajouter, et votre cœur nous comprendra, un dévouement plus parfait encore, une affection plus tendre. Aux yeux des moines de Solesmes, Hoël était l’oint du Seigneur, le Pontife de l’Église du Mans ; pour nous vous êtes tout cela, Monseigneur, mais de plus vous êtes notre père.

« Oui, vous êtes notre père, car vous nous avez élevés presque tous. Vous êtes le père de cette maison, car vous avez assisté à sa première naissance. Vos conseils nous éclairèrent, vos encouragements nous donnèrent confiance, votre charité vint à notre secours : vous avez souri à notre berceau. Nous grandissons pour vous, Monseigneur, et le Ciel même a uni les destinées de cette maison avec celles de votre épiscopat ; car vous vous en souvenez, le jour même où l’Esprit qui fait les pontifes descendait sur vous, ce petit troupeau qui se presse en ce moment autour de vous, entourait l’autel et se livrait à la plus vive allégresse. Deux solennités à la fois l’occupaient dans un même jour, toutes deux également chères, l’une de la terre, l’autre du ciel : la fête de notre saint Patriarche et votre consécration épiscopale 5 .

« Entrez donc dans votre maison, Monseigneur ; car tout ce qui est aux enfants est aussi à leur père. Vous avez pour nous des bénédictions spéciales. C’est à vous en effet de bénir nos essais pour la gloire et le service de l’Église de Dieu, vous qui depuis si longtemps, sur le chandelier, éclairez cette même Église de votre évangélique lumière. C’est à vous de nous enseigner la simplicité des vertus du cloître, vous dont les nombreuses années s’écoulèrent dans la prière et la retraite ; années si délicieuses au souvenir de vos enfants, et dont la mémoire, toujours présente à notre pensée, fait encore et fera longtemps le charme de nos plus doux entretiens. »

Monseigneur a répondu :

« J’ignore s’il est dans les décrets de la Providence que je vienne aussi un jour chercher un asile dans cette sainte maison ; mais ce dont je puis répondre, c’est de l’affection bien sincère que je porte du fond du cœur à tous ceux qui l’habitent, et à l’œuvre si belle et si importante à laquelle ils ont eu le bonheur de se consacrer »

Le 3, jour de l’Invention de la sainte Croix, Mgr a chanté pontificalement la Messe conventuelle, durant laquelle il a imposé les mains au nouveau prêtre. Un nombreux concours de fidèles donnait à la fête un aspect plus intéressant encore. Après la cérémonie le Prélat a adressé à l’auditoire une allocution touchante dans laquelle, après avoir fait remarquer que ce n’était que par une dérogation aux usages reçus dans l’Église qu’on voyait une ordination s’accomplir loin de la ville épiscopale, il a terminé ainsi :

« J’ai voulu par là donner une preuve éclatante de mon estime pour la communauté de Solesmes, et montrer d’une manière authentique toute la confiance que m’inspire cette œuvre naissante. Puissent mes efforts être secondés ! puissent mes vœux être entendus ! et l’on verra se former ici, avec le temps, une société précieuse à l’Église, et digne de recueillir l’héritage de ces hommes dont le savoir et la piété ont tant illustré l’Ordre de Saint Benoît. »

  1.      Tout en s’occupant de l’acquisition du prieuré de Saint-Pierre, l’abbé Guéranger voyant que l’heure de la Providence avait sonné, se mit en devoir de rédiger un corps de règlements pour l’association, et le 10 novembre 1832, il visitait Mgr Philippe Carron pour lui remettre son manuscrit. Le Prélat goûta grandement la rédaction des articles, empreints de cet esprit de discrétion qui caractérise la Règle du saint Patriarche. Dès le mois de décembre, c’est-à-dire quelques jours après la location des bâtiments de Solesmes, l’Évêque sanctionnait de son autorité les nouvelles Constitutions. – « Quatre ans plus tard, » dit Dom Guéranger parlant de ces statuts, « cet ensemble de règlements fut présenté au Saint-Siège « avec de très légères modifications, et il obtint l’approbation apostolique. » Qu’on nous permette d’insérer ici la traduction du petit prologue placé en tête du corps des articles, tel qu’il fut tout d’abord soumis à l’approbation du premier pasteur du diocèse

        « Les membres de l’association régulière établie dans le diocèse du Mans, sous « la protection de Mgr l’Évêque, s’étant réunis dans l’intention de passer sous l’observance de la Règle de Saint Benoît, aussitôt que la demande qu’ils en adresseront « en temps et lieu au Saint-Siège aura été accueillie, doivent dès à présent s’exercer « aux vertus religieuses et aux pratiques monastiques que ce grand Patriarche a prescrites aux membres de sa nombreuse famille. Ils ne doivent jamais oublier « qu’ils ne se sont retirés dans la solitude que dans te but de travailler efficacement « à leur sanctification, et de se rendre utiles à l’Église dans la manière que la « divine Providence leur fournira. C’est pourquoi ils observeront fidèlement les « règles suivantes, qui leur sont présentées revêtues de l’autorité de Mgr l’Évêque « du Mans. »[]

  2.      Saint Benoît a écrit plusieurs chapitres pour régler ce qui regarde l’Office divin. L’une des maximes principales de la sainte Règle est celle qui prescrit de ne rien préférer à l’ŒUVRE de Dieu : Nihil operi Dei praeponatur. L’abbé Guéranger, en songeant à restaurer en France l’Ordre monastique, prouva combien il fut dès le commencement rempli de l’Esprit de Dieu et de la science du passé. Voici quelques traits que nous aimons à puiser dans les notes de celui qu’on appelait au collège le moine et qui, au témoignage de madame Swetchine, était né Abbé de Solesmes. Ces détails offriront au lecteur, nous n’en doutons pas, un vif intérêt et lui montreront sur quelle base solide fut, dès les premiers jours, fondée l’œuvre de la restauration bénédictine. Nous laissons la parole à Prosper Guéranger : « Un jour « j’allai m’asseoir sur la Poulie ` avant d’entrer au monastère, et je dis à mon compagnon M. l’abbé Augustin Fonteinne, alors vicaire à Sablé en lui montrant « la façade du jardin : Voyez cette maison, comme elle est belle ; j’ai envie d’établir là une maison de prière et d’étude. je songe au rétablissement des Bénédictins dans cet ancien monastère, et plusieurs prêtres du Mans se joindraient à » moi… Peu de jours après je partis pour Paris. Une de mes premières visites fut « au bureau de l’Avenir. J’arrivais au moment de la crise de ce journal. je tenais à » voir M. de La Mennais et M. Gerbet, et à leur parler de mes projets. Les tendances trop politiques et trop libérales de l’Avenir m’inquiétaient de plus en « plus ; mais j’avais confiance dans le catholicisme de ces hommes, qui me semblaient plutôt entraînés par les événements que séduits par des doctrines dont je « sentais vivement l’opposition avec tout le passé de l’Église ; M. de La Mennais avait l’air très préoccupé, il m’écouta cependant avec bienveillance, et convint « qu’il n’y avait rien à faire sans les Ordres religieux, ajoutant qu’il avait songé à » ce besoin depuis longtemps, et même tenté quelque chose de pareil dans son « essai de congrégation à la Chênaie. je lui répondis que je ne songeais à rien de « nouveau, mais simplement au rétablissement d’une maison de Bénédictins. Il « m’objecta que dans cet Ordre, on avait le Chœur ; je lui répondis que c’était « cela précisément qui me le faisait choisir, et que mes associés avaient le même « attrait… »

        C’est ainsi que l’abbé Guéranger montra tout d’abord qu’il ne voulait en rien continuer les errements modernes, ni marcher sur les traces de M. de La Mennais, lequel, on s’en souvient, obtenait du Pape par M. de Lamartine la dispense de réciter le bréviaire à cause de ses occupations et qui, au dire de ses amis, ne célébrait que rarement le Saint Sacrifice.

        Nul n’apprécia mieux que Prosper Guéranger l’importance et la nécessité des études ; mais il comprenait également qu’on ne saurait transformer un monastère en académie sans méconnaître la fin principale de l’institution monastique, et il estimait avec raison que la science serait, aujourd’hui comme autrefois, octroyée par Dieu, comme par surcroît, à des moines qui cherchent en premier lieu dans l’accomplissement de l’Office divin leur propre sanctification.

        Terrain vague situé en face des bâtiments du Prieuré.

    []

  3.      Nous citerons un passage du chapitre VIII des statuts dont nous nous occupons, afin qu’on puisse constater que dès l’année 1832 l’abbé Guéranger possédait sur ce sujet une admirable hauteur de vues.

        Les associés étudieront par amour pour Dieu qui est la source de toute vérité, a pour l’accomplissement des desseins de Dieu sur eux, pour l’utilité de la sainte a Église, et nullement dans un esprit de coterie, d’opposition, d’ambition ou u d’amour propre. Ils se souviendront que Dieu est le maître de la sagesse et que tous les trésors de la science sont déposés dans la prière. C’est pourquoi ils ne se « mettront jamais au travail sans avoir imploré à genoux l’Esprit de lumière et de consolation. Dans les difficultés et les obscurités de l’étude, ils recourront à la a prière, persuadés, à l’exemple des Saints, que plus ils se tiendront unis à Dieu, a plus ils deviendront savants. »[]

  4.      Breton d’origine, Hoël avait été appelé dès l’âge de dix-sept ans auprès d’Arnaud son parent, évêque du Mans. Sous ce maître habile le jeune clerc avait fait de rapides progrès. Ses qualités brillantes, la solidité de sa doctrine, ses mœurs irréprochables lui avaient mérité une distinction aussi flatteuse que singulière ; quoique dans un âge peu avancé, les chanoines l’élurent pour leur doyen. Hoël, probablement par suite des déchirements de la province, et afin de goûter plus de tranquillité, accepta des fondions dans la chapelle de Guillaume le Conquérant, roi d’Angleterre. A la mort de l’évêque Arnaud, il fut appelé à s’asseoir sur le siège du Mans, et il réalisa bientôt toutes les espérances qu’il avait fait concevoir. II était rempli de bonté, et la douceur était le trait caractéristique de son esprit Le nouvel évêque eut néanmoins beaucoup à souffrir de la part des fameux qui ne cessaient de troubler la paix de son Église. On en vint jusqu’à porter une main sacrilège sur le pontife et à l’envoyer prisonnier au château de la Flèche. Le prélat ne rentra dans sa ville épiscopale que pour être de nouveau témoin des troubles qui ne tardèrent pas à se produire. Décidé à attendre des temps meilleurs, Hoël prit la résolution d’aller demeurer dans quelque monastère de son diocèse. Aucun ne lui parut offrir un séjour aussi sûr et aussi commode que le prieuré de Solesmes. Voisin de Sablé, où une partie du clergé du Mans s’était retirée, ce monastère offrait un asile exempt de toute inquiétude, par la protection de Robert le Bourguignon, ami de l’église et de l’évêque fugitif. D’ailleurs ce prieuré, où fleurissaient l’observance de la Règle et toutes les vertus monastiques, était sous la dépendance de l’abbaye de la Couture et de l’abbé Juhel, dont le dévouement au parti normand était bien avéré. Sans calculer les chances de leur démarche, les moines de Solesmes accueillirent avec empressement l’évêque Hoël avec toute sa suite. De ce moment le prélat établit sa chaire dans la modeste église priorale. Il y consacra le saint Chrême le jeudi saint, y officia pontificalement aux solennités pascales, et y tint le synode diocésain aux fêtes de la Pentecôte. On voyait des processions continuelles arriver de toutes parts au monastère ; et le village de Solesmes, selon l’expression des anciens chroniqueurs, semblait être devenu une ville, par le nombre de ceux qui accouraient donner à l’évêque fugitif des marques de sympathie et de vénération. Des personnages du plus haut rang arrivaient fréquemment au prieuré de Solesmes.

        Lorsqu’on eut ressenti les tristes effets du départ du prélat, des démarches furent tentées auprès d’Hoël pour qu’il revînt au Mans. Le retour eut lieu le 28 juin seulement, et fut un véritable triomphe.

        Au bout de quinze années d’épiscopat, Hoël s’endormit dans la paix du Seigneur, le 29 juillet 1096. Sa mort laissa de vifs regrets à tous les fidèles du diocèse du Mans, mais surtout aux clercs et aux moines. (Voir le t. III de l’Histoire de l’Église dit Mans, par le R. P. Dom Paul Piolin, bénédictin de la Congrégation de France.)[]

  5.      Mgr Bouvier a reçu la consécration épiscopale le 21 mars, jour de Saint Benoît.[]