Trop nombreux étaient au XIXe siècle les vestiges, et trop récents les souvenirs de l’ancienne France monastique pour ne pas éveiller, chez les amis des moines, de vifs désirs de restaurations. Citer ici toutes les offres faites à Dom Guéranger serait impossible. Tantôt un donateur garantissait l’existence économique ; tantôt on promettait un recrutement abondant : deux conditions rarement réunies. Les uns se contentaient de signaler la mise en vente d’un ancien monastère ou de ses terres, et joignaient une description des bâtiments. D’autres imploraient explicitement un établissement monastique.
Dès 1835 – Solesmes avait deux ans à peine – Cluny était proposé pour 200 000 francs. La même année, Mgr Brûté, évêque de Vincennes, l’appelait en Amérique. Dom Guéranger entendit parler aussi de Saint-Michel de Frigolet, qu’un journal méridional se hâta même de présenter comme une fondation solesmienne accomplie. Les noms de Chezal-Benoît, Montmajour, Sainte-Berthe d’Arras, Saint-Malo furent évoqués. Un curé mayennais voyait déjà les bénédictins dans sa propriété des Anges, près de Craon. Dom Fréchard, ancien moine de Saint -Vanne, réussit bien à attirer l’abbé de Solesmes en Lorraine, en 1844, mais non à lui faire adopter sa maison de Vézelize. M. Dupont, de Tours, échoua pareillement pour Marmoutiers.
Venant des évêques, les invitations étaient plus tentantes : elles laissaient espérer une facile solution des délicats problèmes de juridiction. Mgr Montault encouragea une fondation angevine dès 1838, sur la Baumette. Sa mort anéantit le projet, et Dom Guéranger se tourna vers Mgr Affre. Ce fut alors la malheureuse expérience de Paris.
En 1844, Mgr Parisis offrit un château près de Langres. Vers 1850, les négociations menées avec Mgr Dupanloup au sujet de Fleury sur-Loire, que Dom Guéranger souhaitait voir aboutir en raison des reliques de saint Benoît, se soldèrent par un échec. Mgr Gerbet, en 1856, présenta Saint-Michel de Cuxa, en son diocèse de Perpignan. Trois ans plus tard, l’évêque d’Autun reparla de Cluny, tandis que celui de Fréjus faisait don de Lérins, que l’abbé de Solesmes refusa par crainte d’isolement excessif pour ses moines ! Souvigny fut deux fois proposé par Mgr de Dreux-Brézé : < Que de belles églises vous attendent ! », s’écriait l’évêque de Moulins. De fait, Mgr Bourret insistait en faveur du grand vaisseau roman de Conques, au cœur d’un Rouergue généreux.
Mgr Freppel invita Dom Guéranger à s’établir sur les bords de la Loire, à Saint-Maur de Glanfeuil. La fondation se fera au temps de Dom Couturier, pour émigrer, en 1901, à Clervaux dans le Luxembourg.
De même, à la prière de ses amis d’Artois, Dom Guéranger alla examiner sur place les restes de l’abbaye cistercienne de Clairmarais, près de Saint-Omer. Le projet s’avéra irréalisable, mais les relations nouées avec ce pays seront plus tard à l’origine des fondations des deux monastères de Wisques.
Ayant reçu mission de restaurer l’Ordre bénédictin en France, Dom Guéranger n’envisageait pas de fonder à l’étranger. Seule la persécution l’y aurait contraint, avec l’espoir de revenir à la première accalmie. Lors des troubles de 1848, il chargea Dom Pitra de prospecter à cette fin le sud de l’Angleterre, où les solesmiens se retireront un demi-siècle plus tard.
Une intention missionnaire ou œcuménique inclinait le cardinal Pitra vers une fondation à Sainte-Anne de Jérusalem – Dom Leduc avait même pensé à la Chine -, mais Rome surtout lui semblait l’endroit tout désigné pour une fondation de Dom Guéranger. N’y réclamait-on pas les bénédictins pour une correction générale des livres liturgiques ?
La plus honorable des propositions vint du Saint-Siège lui-même en mars 1849. La Propagande ayant chargé Mgr Fornari de trouver en France les membres d’une mission apostolique en Norvège, le nonce s’adressa à Solesmes. Dom Guéranger consulta sa communauté ; au souvenir de saint Anschaire, le moine apôtre des scandinaves, les volontaires répondirent aussitôt. L’abbé rédigea un mémoire exposant sa conception d’apostolat monastique. Ce document parvint trop tard à Gaëte : un projet émanant des rédemptoristes bavarois l’emporta sur celui de Solesmes.
Seconde fondation après l’essai de Paris, Acey, en Franche-Comté, est demeuré tristement célèbre par les pamphlets de l’ex-père Dépilliers. Envoyé quêter dans l’Est, ce moine avait fini par convaincre Dom Guéranger que la générosité franc-comtoise assurerait le recrutement et la subsistance du nouveau monastère. Cet espoir était fondé, et le prieuré aurait connu sans doute un essor rapide si Dom Dépilliers s’était comporté en vrai religieux.
Situé au nord du diocèse de Saint-Claude, l’ancien monastère Notre-Dame d’Acey présentait d’excellents bâtiments conventuels. Le domaine fut acquis en 1852 pour 60 000 francs. Dom Guéranger commit l’imprudence de laisser Dom Dépilliers seul propriétaire nominal. Quatre pères et deux frères s’installèrent au printemps suivant ; leur abbé les rejoignit en automne, apprécia la beauté du site, et y revint les deux années suivantes.
Malheureusement, Dom Dépilliers, poussé par la jalousie, se brouilla avec le prieur de la fondation et demanda sa destitution. La requête s’accompagnant de chantage, l’abbé estima raisonnable de rappeler ses moines en 1856. Alors apparut la sympathie dont la petite communauté était l’objet de la part des francs-comtois, près de qui elle s’était dévouée lors du choléra de 1854. Dom Dépilliers sut exploiter ce sentiment : du jugement bénin prononcé à Solesmes pour censurer sa conduite, il en appela à Rome, réussit un moment à circonvenir la Congrégation des Évêques et Réguliers, tenta d’acclimater à nouveau des moines sur sa propriété, et finit par indisposer ses meilleurs défenseurs. Exclu de l’Ordre en 1865, et toujours en proie à la folie de la persécution, le pauvre révolté s’achemina vers l’apostasie.
Ce drame fut extrêmement douloureux pour Dom Guéranger, mais ne parvint jamais à lui faire perdre sa paix et son sourire, et il tenait à en assurer ses moines et ses amis, plus effrayés que lui.
Parallèlement à l’aventure d’Acey, Dom Guéranger vécut un rêve devenu réalité : la fondation de Saint-Martin de Ligugé. Elle fut le fruit de son amitié avec Mgr Pie.
Au temps où il était vicaire général de l’évêque de Chartres, l’abbé Pie avait eu le projet de relever l’ancien monastère de Saint-Père, « à l’ombre de Notre-Dame ». Dom Guéranger, qui sortait à peine des difficultés parisiennes, avait remis à plus tard l’examen de cette affaire.
Devenu évêque de Poitiers, Mgr Pie n’abandonna pas son idée, mais son désir se porta cette fois sur le monastère qu’il considérait comme le plus ancien de France, Saint-Martin de Ligugé, à une dizaine de kilomètres au sud de sa ville épiscopale. Sans tarder, il en entreprit la réalisation. Dom Guéranger se montrait moins pressé
les vocations lui manquaient, l’argent aussi, bien entendu ; mais l’amitié mutuelle triompha des obstacles. Mgr Pie utilisa un don important pour assurer la subsistance d’une communauté de seize moines, et par prudence présenta officiellement la fondation comme une maison de prêtres auxiliaires – précaution qui ne plut guère à l’abbé de Solesmes.
Le 24 novembre 1853, arrivèrent les quatre premiers moines, conduits par Dom Guéranger. Le lendemain, quatrième anniversaire de son ordination épiscopale, Mgr Pie célébrait « le rétablissement de la vie monastique au lieu où saint Hilaire l’a fondée dans les Gaules, et le rétablissement du culte de saint Martin au lieu où sa sainteté a particulièrement éclaté. » Ce même jour, le diocèse de Poitiers reprenait la liturgie romaine.
Le petit prieuré commença dès lors à mener une vie sans grands incidents, bénéficiant de dévouements au premier rang desquels on doit citer celui de Mme du Paty de Clam et celui de Mme Pie. Mais ce fut l’évêque qui en fut le génie tutélaire. Il avait parfaitement compris le sens de l’œuvre monastique de Dom Guéranger : redonner à la France des foyers de prière, des points d’appui spirituels, en les installant, si possible, là même où ils avaient brillé dans le passé, afin de signifier ainsi l’admirable continuité de la Tradition. C’est pourquoi il tenait à ce que les moines desservissent eux-mêmes le sanctuaire de saint Martin.
« J’aime votre œuvre comme mes yeux… » écrivait-il à l’abbé de Solesmes ; et il s’entendait répondre : « J’aime cette œuvre autant à cause de vous qu’à cause d’elle-même, je sens tout ce qu’elle vous coûte ». Mgr Pie, en effet, ne se payait pas de mots ; il se comporta en conseiller et protecteur efficace, d’une extrême délicatesse, attentif aux détails matériels tout en se gardant d’exercer une tutelle indiscrète. Avec une charmante simplicité, il n’hésitait pas à ouvrir le Spicilège de Dom Pitra sous le nez des agents de la compagnie de chemin de fer, pour les inciter à soutenir les travaux scientifiques en accordant aux moines et à leur abbé une réduction de tarif.
Par ses soins, l’église fut restaurée et les bâtiments agrandis. Chaque année, il venait célébrer la fête de saint Benoît et celle de saint Martin, amenant avec lui quelque membre de l’épiscopat. Il se préoccupait du rayonnement du monastère et le trouvait trop faible douze ans après la fondation. Dom Guéranger, en général, ne se souciait pas de rechercher directement un rayonnement spirituel, que Dieu concéderait, en son temps, aux moines fidèles à leur état. Mais il accorda à l’évêque que deux moines fussent disponibles pour donner des missions dans le Poitou. De plus, comme à Solesmes, il exigea des sacrifices en faveur de la bibliothèque, et encouragea les recherches studieuses, les travaux de Dom Pradié, de Dom Plaine et de Dom Chamard. Ligugé se consacrera particulièrement à l’histoire ecclésiastique et monastique.
La fondation demeurait tributaire de Solesmes pour son recrutement, puisque les Constitutions de 1837 n’avaient pu obtenir l’autonomie familiale, si conforme pourtant à la pensée de saint Benoît. Dom Guéranger devait donc former les futurs moines de Ligugé, ce qui compensait cet inconvénient. Deux ou trois fois par an, il allait régler sur place les problèmes du prieuré. Ce voyage était pour lui une nouvelle source de joie : non seulement il appréciait le site reposant et la fraîcheur de la vallée du Clain, sans s’effrayer de la voie ferrée qui déjà bordait le jardin et ne se révélait pas plus gênante qu’aujourd’hui, mais surtout il retrouvait ses fils. A vrai dire, il leur soustrayait une bonne part de son temps pour la consacrer à Mgr Pie.
Quand il jugea venu le moment de doter Saint-Martin de son propre abbé, en 1864, il rappela d’Allemagne un moine qu’il avait prêté à la jeune abbaye de Beuron pour y représenter la pensée solesmienne, Dom Léon Bastide. Ancien procureur impérial à Villefranche de Lauraguais, cet homme bon et pondéré eut grand peine à accepter l’abbatiat. Son gouvernement fut heureux : l’impression que dégage sa correspondance avec l’abbé de Solesmes est celle de la paix dans laquelle se déroulait la vie très laborieuse de son petit monastère.
L’attachement mutuel entre Solesmes et Ligugé était sans faille on ne formait qu’une grande famille. L’échange continu de lettres, l’invitation – presque l’obligation – faite à tout moine de Saint Martin passant à quinze lieues de Saint-Pierre de faire le détour par l’abbaye -mère, enfin les tonifiantes visites de Dom Guéranger, tout contribuait à assurer une cohésion remarquable entre Solesmes et sa fondation poitevine.
De prime abord, la seconde fondation de Solesmes, Sainte -Madeleine de Marseille, nous déconcerte. Dom Guéranger avait déjà éprouvé les inconvénients d’une fondation trop éloignée de l’abbaye -mère, il redoutait les voyages, qu’il savait pourtant indispensables pour le soutien des jeunes communautés, et il envoie ses moines s’établir à deux jours de train de Solesmes. Il avait goûté le cadre paisible d’Acey, et il installe ses fils en plein centre d’une grande cité. Sans doute les Marseillais ne s’étonneront-ils pas que Dom Guéranger ait été séduit par leur ville unique au monde. En réalité, il y a été attiré par un concours de circonstances où sa foi a discerné la volonté divine.
Lors de ses deux premiers embarquements, en 1837 et 1843, il n’avait prêté attention qu’à l’ancien monastère Saint-Victor et à Notre -Dame de la -Garde. Son troisième voyage à Rome, en 18511852, le mit en relations avec l’élite catholique de Marseille. L’abbé Timon-David, son ami, lui présenta une vocation en la personne d’un jeune juriste, Théophile Bérengier, dont la sueur, Mme Durand, était dirigée par un prêtre bien marseillais, le chanoine Coulin, fondateur d’un catéchisme de persévérance très suivi. C’est dans ce milieu que la fondation poussa ses racines.
Devenu secrétaire de Dom Guéranger, Dom Bérengier se prit à rêver d’un monastère méridional. Ses amis l’encouragèrent dans son idée. L’abbé de Solesmes se garda bien de « hâter les moments de la Providence ». Mais en 1863, nos Marseillais parvinrent à décider le vieux chanoine Coulin, devenu fervent admirateur de Dom Guéranger, à léguer son ouvre aux bénédictins.
Cette fois, Dom Guéranger se déclara « mieux disposé à coloniser la Provence ». Mais en ces années, il voyait sa santé s’effondrer ; ses facultés de décision en pâtissaient. La « Bonne Mère » les ranima par une invitation de l’évêque de Marseille à venir participer aux fêtes de la dédicace de la nouvelle basilique. Le père abbé accepta, dévoila son projet de fondation à Mgr Cruice et en reçut le consentement lors des grandes journées dédiées à Notre-Dame-de-la-Garde, en juin 1864. Le Cardinal Pitra était venu de Rome, tout joyeux de retrouver son ancien abbé. Ce devait être sa dernière entrevue avec Dom Guéranger.
On était alors en pleine montée d’anticléricalisme ; les menaces gouvernementales de MM. Rouland et Bonjean inquiétaient les religieux ; Mgr Pie conseilla la prudence. Mais les atermoiements de Dom Guéranger consternaient les bienfaiteurs du futur monastère, et le chanoine Coulin s’enflamma : « Nos Marseillais tombent vite quand ils cessent d’être en ébullition. Ici, la timidité c’est la ruine ! »Ses amis prirent également la plume, si bien que l’abbé de Solesmes dut s’exécuter.
Restait la difficile question du choix d’un supérieur. Dom Guéranger rappela de Ligugé l’ancien prieur d’Acey, Dom Menault. Il en connaissait parfaitement les qualités et les faiblesses, mais pour le moment il ne disposait de personne d’autre que lui. L’accuser de manque de discernement dans ce choix serait méconnaître la situation du Solesmes d’alors et oublier les nécessités auxquelles se trouve affronté tout supérieur.
Le i i juillet 1865, Dom Menault arriva à Marseille. Avant la fin de l’année, trois pères et deux frères le rejoignirent. La charte de fondation du prieuré fut datée du 22 juillet, fête de sainte Madeleine.
Les débuts de cette maison semblent avoir été plus malaisés que ceux de Ligugé. Mais si les moines ne jouissaient pas d’une haute assistance comparable à celle de Mgr Pie, le réseau d’amitiés qui les protégeait était d’une densité exceptionnelle. Chose étonnante aux yeux de solesmiens, le problème financier se posait à peine, tant les Marseillais chérissaient leurs religieux. L’emplacement du prieuré, rue d’Aubagne, laissait pourtant à désirer. On se trouvait sur l’ancien territoire bénédictin de Saint-Victor, mais ce réconfortant souvenir était insuffisant à compenser le manque d’espace. Malgré le petit jardin et son bassin à poissons rouges, les moines étouffaient, surtout en été.
Les santés déjà chancelantes s’altérèrent encore ; il y eut même des décès prématurés. L’agrandissement des locaux ne parvint pas à empêcher les cris des vendeuses et les exclamations familières des passants de pénétrer jusque dans les lieux conventuels. Devant le désarroi des Pères, les bienfaiteurs offrirent des villégiatures. On envisagea aussi l’acquisition d’une maison de campagne, ce que Dom Guéranger jugea dangereux pour la vie monastique ; il préférait le transfert du monastère aux portes de la ville. Sa proposition provoqua chez les Dames une levée de boucliers ; M. Coulin manifesta de l’émotion, et l’abbé de Solesmes s’inclina. « Après tout, reconnaissait-il, si peu pratique que puisse être ce prieuré de la rue d’Aubagne, il a du moins l’avantage de ne m’avoir coûté qu’un grand merci. »
Sa situation urbaine et le contrat passé avec le chanoine Coulin dictaient au monastère le caractère général de ses activités. Toute une clientèle attendait les moines pour un ministère auquel ils n’étaient pas toujours préparés. Le prieuré eut la chance d’avoir en Dom Lemenant des Chesnais un ancien missionnaire breton qui réussit parfaitement dans le Midi. A la demande de l’évêque de Marseille, il inaugura bientôt des retraites ecclésiastiques mensuelles dont le succès alla croissant. Les participants chantaient l’office avec les Pères, ce qui plaisait à Dom Guéranger ; lui-même donna les instructions spirituelles en 1869.
Mais quand des parents demandèrent aux moines de se charger d’éduquer leurs enfants, Dom Guéranger fit opposition. Comment ses religieux pourraient-ils assumer une fonction professorale, alors qu’ils avaient déjà bien du mal à assurer un peu de ministère ? En revanche, l’institution des enfants de chœur lui parut excellente. Ces petits étaient confiés au jeune Dom Gauthey qui tenait son rôle à merveille. De vieilles photographies nous les montrent perchés sur les marches d’un reposoir ou groupés autour du futur abbé de SainteMadeleine. Peu avant sa mort, Dom Guéranger consentit à ce que les meilleurs de ces enfants fussent gardés au prieuré comme alumni. Il dressa pour eux un règlement analogue à ceux qui régissent les petits oblats des monastères d’Espagne et d’Italie. A l’expérience, on se rendit compte des inconvénients de cette formule et l’on mit une sourdine à ces activités éducatrices.
Faiblesse des santés, pénurie de personnel, épidémie de choléra, troubles de la Commune de 1871, problèmes de conciliation entre ministère et observance, autant de sujets traités dans l’intéressante correspondance échangée entre Solesmes et Marseille. A quatre reprises, Dom Guéranger alla constater sur place le rayonnement spirituel de son cher prieuré méridional, dont il regrettait l’éloignement géographique. Il y retrouvait des amitiés généreuses, réglait mille détails, et surtout réconfortait les cœurs de son enthousiasme contagieux. « Nous avons chanté, disait Dom Gauthey, avec un « affelonnement » sans pareil. Le Père abbé chantait avec nous, il dirigeait et entraînait le chœur, nous étions heureux. »
Un mois avant sa mort, Dom Guéranger était encore à Marseille. Ce fut son dernier voyage. Il s’interrogeait sur l’avenir de cette maison dont la croissance était si laborieuse ; mais l’œuvre était solidement enracinée et vivait l’idéal solesmien. Elle affrontera avec courage les aléas de l’exil en Italie et reviendra en France s’établir à Hautecombe en 1922.
A un titre particulier, le prieuré de Marseille occupait une place de choix dans le cœur de Dom Guéranger. « Sans Sainte -Madeleine, avouait-il, je n’aurais pas fondé Sainte -Cécile. »
En fondant Ligugé, Dom Guéranger avait répondu aux désirs de Mgr Pie ; en fondant Marseille, il avait exaucé les vœux d’un groupe d’amis. Mais il commençait par là à réaliser le programme contenu dans ses Constitutions de 1837 : l’édification de la Congrégation de France. Au contraire, la fondation d’un monastère de moniales était quelque chose de nouveau et d’imprévu, qui néanmoins s’imposa comme étant manifestement voulu de Dieu. Dom Guéranger eut si clairement conscience de suivre simplement les indications et les invitations de la Providence qu’il pouvait affirmer en 1868 : « Je n’ai fait cette œuvre que pour ne pas désobéir à Dieu. »
Saint-Pierre était né d’une volonté de sa part. Les vocations étaient venues ensuite. Pour Sainte Cécile, ce furent les vocations qui se présentèrent d’abord, comme autant de signes vivants envoyés par Dieu pour le déterminer à fonder, à commencer par celle qu’il placerait à la tête de l’œuvre nouvelle et qu’il avait préparée depuis longtemps sans le savoir.
Les premières relations de la famille Bruyère avec Dom Guéranger se nouèrent aux alentours de 1850, par l’intermédiaire de Félix Huvé, que nous connaissons déjà. L’acquisition, en 1853, du manoir de Coudreuse, sur la commune de Chantenay, à trois lieues de Sablé, donna aux Bruyère l’occasion d’entretenir des rapports plus fréquents avec l’abbaye. M. Léopard Bruyère, ancien architecte, avait perdu la foi. Sa fille aînée, Jenny, était née à Paris le 12 octobre 1845, en ce jour où Solesmes célèbre l’anniversaire de la dédicace de son église, et à une époque où Dom Guéranger connaissait de grandes épreuves.
La première entrevue entre le prestigieux bénédictin et la fillette de onze ans est demeurée dans les mémoires. Rencontrant Dom Guéranger en promenade à l’entrée du bourg de Solesmes, Mme Bruyère présente l’enfant que l’abbé a consenti à préparer à sa première communion. Le moine se penche avec un sourire affectueux
« N’est-ce pas, mon enfant, que nous nous entendrons bien ensemble ! »- « Oui, mon Père. » La réponse était timide. Il faudra des années de patience à Dom Guéranger pour apprivoiser celle qu’il appelait sa « petite muette ».
Dom Guéranger s’intéressa dès lors à la formation de l’âme qui lui était confiée. Soit qu’il se rendît à Coudreuse en été, soit qu’il écrivît à Paris où les Bruyère passaient l’année scolaire, il n’épargna aucun effort pour assurer à la jeune fille, déjà fermement éduquée par sa mère, une direction spirituelle discrète et persévérante, dégagée d’ailleurs de toute arrière-pensée de vie religieuse. Sans négliger le devoir de se cultiver en profitant des avantages que Paris pouvait offrir, il insiste sur les lignes très simples de sa spiritualité : soumission parfaite à la volonté de Dieu exprimée par celle des parents, disposition à rompre sa volonté propre, effort soutenu de bienveillance, dans le seul but d’appartenir davantage au Christ : « Lorsque vous serez souple, ouverte, sympathique, prévenante, empressée à faire plaisir, et enfin affranchie de cette concentration qui est plutôt de la raideur que du recueillement, c’est alors que Notre -Seigneur sera maître en vous. »
S’adressant à une âme de bonne volonté, douée d’une grande intelligence, ces conseils portèrent leurs fruits. Au lieu de verser dans la piété maussade, cette fille au tempérament volontaire et un peu sauvage évolua vers une générosité douce et souriante. L’abbesse de Stanbrook en témoignera plus tard : « Sagesse et simplicité semblaient se jouer en elle et autour d’elle, force et douceur, activité et paix inaltérable, intuition extraordinaire et grâce enfantine. » La gravité du caractère et la nuance doctrinale de l’esprit conserveront chez elle leur prépondérance, tout en s’équilibrant des qualités humaines du cœur.
Cécile – elle avait choisi ce nom lors de sa confirmation à Chantenay en 1858 – désirait depuis sa petite enfance se donner à Dieu, mais elle n’en confia pas aussitôt le secret à son père spirituel. Le 12 octobre 1861, après la messe de la Dédicace, au terme d’une année de « noviciat » secret, elle émit le vœu privé de chasteté devant Dom Guéranger, qui lui remit un anneau, tout en la pensant destinée à une vie consacrée dans le monde. Elle lui avoua peu après son désir d’une vie cloîtrée, qu’elle ne connaissait alors que sous la forme du Carmel.
L’aveu embarrassa Dom Guéranger ; la spiritualité des couvents de son temps, influencée par le XVIIIe, siècle, ne le satisfaisait guère, et il n’avait nullement l’intention de se mêler de réforme. Quand Mme Bruyère osa la première demander si l’on ne pouvait espérer un Solesmes pour les femmes, l’abbé se récria : « Je n’ai jamais songé à un tel projet. Je sais trop par expérience la somme de travaux, de sollicitudes et de peines que coûte une fondation. J’ai dépensé ma vie à en ébaucher une ; il ne me reste pas assez d’années et de force pour mettre la main à cette œuvre nouvelle. »
L’idée cependant s’insinua en lui ; elle s’imposa jusque dans sa prière. Il s’efforça en vain de la repousser comme une distraction et finit par confier sa tentation à son confesseur, Dom Couturier. Et voilà que cette voix connue pour son extrême prudence lui répondit :
« Au lieu de soucis nouveaux, mon Père, n’est-ce pas une consolation que le Seigneur prépare ainsi aux dernières années de votre vie ? »
Dom Guéranger ne cherchait pas les consolations, mais la volonté de Dieu. Il en perçut peu à peu les signes, et, vers 1863, il finit par se déclarer « converti » à ce qu’il avait d’abord considéré comme un « joli château en Espagne ». Dès lors, il orienta franchement Cécile vers une spiritualité bénédictine.
Si le projet, encore très imprécis, présentait bien des difficultés, Dom Guéranger savait d’avance qu’il pourrait au moins compter sur l’appui indispensable du nouvel évêque du Mans, Mgr Fillion, l’un de ses plus fidèles amis. Celui-ci favoriserait certainement de tout son pouvoir l’établissement de moniales bénédictines à proximité de l’abbaye, trop heureux d’avoir en son diocèse une seconde maison vivant de la vie de l’Église, selon la pensée de Dom Guéranger.
Comme pour aider l’abbé de Solesmes à se convaincre davantage de la nécessité d’une fondation nouvelle, d’autres vocations apparurent. Dans la région même de Sablé, deux jeunes filles, Henriette Bouly et Honorine Foubert, en relations avec Cécile Bruyère, cherchaient leur voie et aspiraient à vivre l’idéal bénédictin de Dom Guéranger.
D’autre part, le voyage de Marseille effectué en 1864 lui réserva une surprise : dans le « séminaire » du chanoine Coulin – on appelait ainsi le noyau le plus fervent de son Œuvre – il découvrit une pépinière extraordinaire de vocations qui n’attendaient que sa forte personnalité pour se déclarer. Il procéda avec prudence, ne parlant d’abord que de la grandeur de la vie religieuse. Deux ans plus tard, il dévoila à quelques intéressées le projet de fondation. C’est alors qu’on s’aperçut de la solidité de la formation assurée par M. Coulin, de l’efficacité de la présence de Dom Menault à Marseille, et surtout du rayonnement de l’abbé de Solesmes.
Le doute maintenant n’était plus permis, et Dom Guéranger pressa la réalisation. Mais à ce moment précis, la situation devint dramatique, sans espoir humain de réussite. Lorsque M. Bruyère vit en effet les projets matrimoniaux qu’il formait pour Cécile anéantis par la vocation religieuse, sa colère se déchaîna et il menaça de provoquer la fermeture de Saint-Pierre de Solesmes. Or le Ministère de la justice et des Cultes avait déjà montré de quoi il était capable. Cécile supplia Dom Guéranger de commencer sans elle la fondation. Il n’y consentit pas, car il voyait en elle la tête de la future communauté. On dut dissimuler et ruser jusqu’à la dernière heure.
A Marseille, l’annonce de l’entrée à Solesmes de la première postulante détermina une panique passagère dans les familles qui se crurent atteintes d’épidémie bénédictine. Dom Guéranger resta très calme et n’eut guère de mal à apaiser cette effervescence.
Par deux fois, au cours de cette année 1866, s’effondra l’espoir de disposer d’une fortune suffisante pour construire le monastère. Vers la fin de l’été, on se mit à bâtir malgré tout sur le versant de la colline de Solesmes, au milieu des champs. Dom Guéranger avait renoncé à son idée première d’installer les fondatrices dans un baraquement provisoire. Plutôt que d’attendre la fin des travaux, il préféra les réunir, avec quelques sueurs converses venues de la région, dans une maison du village, que l’on appellera « Sainte -Cécile -la -petite ».
Le 16 novembre, en la fête de sainte Gertrude, la vie monastique commença très humblement, mais avec la garantie de l’incomparable direction d’un maître à la longue expérience. Les débuts de Sainte Cécile ne connaîtront pas les tâtonnements et les soubresauts des premières années de Saint-Pierre. Dom Guéranger se sentit une nouvelle jeunesse pour la première fois, disait-il tout bas, il n’éprouvait pas de déception. Beaucoup d’éléments concouraient à cette harmonie. Le père abbé se fit à nouveau maître des novices, initiant les postulantes à la célébration de l’office, réglant la progression de l’observance, indulgent pour les multiples bévues qui conférèrent aux premiers temps une ambiance assez proche de celle des Fioretti. Avec Dom Guéranger les récréations mêmes devenaient instructives : on le vit traverser la rue du bourg, portant sous le bras des in-folio de Bosio ou de Rossi pour faire admirer les merveilles de Rome souterraine.
Nommée supérieure, Cécile Bruyère ne paraissait avoir d’autre défaut que sa jeunesse, ce qui valait à Dom Guéranger quelques discrètes remontrances de la part de ses amis. « C’est un défaut, répondait-il avec humour, dont je me console facilement, attendu que c’est le seul dont on se corrige avec certitude chaque jour. » Lui aussi avait vécu cette expérience en 1833.
La petite communauté manifestait une docilité et une concorde qui en auraient remontré aux premiers solesmiens. Une commune jeunesse y prédisposait sans doute. Mais la diversité des tempéraments aurait pu faire craindre des difficultés. Dom Guéranger s’était secrètement demandé si une maison moitié marseillaise moitié sarthoise n’exploserait pas. En fait, le dynamisme et l’enthousiasme des unes équilibra la pondération un peu froide des autres. « Marseille et notre pays se sont unis, disait-il. La fusion est telle dans la maison qu’on n’y distingue ni Nord ni Midi. » Le caractère ardent et ouvert des méridionaux n’était certes pas pour lui déplaire.
Les vocations étaient nombreuses et de valeur. La princesse Catherine de Hohenzollern, protectrice de l’abbaye naissante de Beuron, ne tarda pas à implorer son admission. Dom Guéranger écarta cette postulante un peu imposante, la jugeant plus utile auprès des bénédictins d’Allemagne.
Malgré une bonne gestion, les ressources du monastère demeuraient insuffisantes, entraînant une pauvreté qui confina parfois à la misère. L’apparence des bâtiments neufs, avec leurs clochetons et fioritures néo-gothiques, pouvait faire illusion. En réalité, Dom Guéranger dut emprunter plus d’une fois pour assurer la subsistance des moniales.
Le monastère n’était encore qu’un chantier, lorsque, à la stupéfaction de son entourage, Dom Guéranger décida d’y transférer les fondatrices le 14 août 1867 pour leur donner l’habit. Cet empressement était bien dans sa manière : autant il aimait prendre son temps avant de se décider, afin de mieux discerner les intentions de Dieu, autant il hâtait ensuite la réalisation : indice d’une foi robuste avec un style de jeunesse qui n’est pas sans rappeler la naïve audace des saints.
Les grandes dates acheminèrent rapidement le monastère vers sa maturité. 15 août 1868 : premières professions, pour lesquelles Dom Guéranger composa un cérémonial nouveau. En joignant au rite de la profession celui de la consécration des vierges, alors tombé en désuétude, il soulignait le caractère spécifique du monachisme féminin contemplatif dans la grande famille de saint Benoît. Au lendemain de ses vœux, Mère Cécile fut élue prieure, et Dom Guéranger tint à ce qu’elle prît en mains la direction effective de sa maison.
14 juillet 1871 : bénédiction de la première abbesse, âgée de vingt six ans – faveur demandée à Pie IX par Mgr Fillion, à l’insu de Dom Guéranger, au cours de l’audience du 14 juillet 1870. Sans se douter qu’il renforçait l’attachement des solesmiens à un anniversaire qui leur était déjà cher depuis le 14 juillet 1837, date de l’institution du premier abbé de Solesmes, le bon pape avait fait remarquer à l’évêque que c’était « mettre le char avant les bœufs », puisque le monastère n’était pas encore érigé en abbaye. Sur la répartie que le char roulait déjà fort bien, et surtout pour exprimer sa gratitude à l’auteur de la Monarchie pontificale, Pie IX avait donné sa signature. Etait-ce pour Dom Guéranger l’accomplissement d’un rêve ? Non ; mais il admirait en silence le déroulement d’un plan dont il se considérait comme le simple ouvrier.
12 octobre 1871 : dédicace de l’église. Dom Guéranger en avait suivi les travaux de près. C’était là le centre de cette œuvre avant tout destinée à la louange divine. Quand il écoutait ses filles chanter l’office avec cette vigueur qui surprenait maint visiteur, il éprouvait une joie intense : « Il y a moins de dix ans, le blé poussait là ! » Il se demandait si cette merveille n’était pas due à la prière de quelque moine inconnu de l’ancien Solesmes.
Comme leurs frères de Saint-Pierre, les moniales reçurent de leur père un enseignement quotidien, qu’elles recueillirent peut-être plus avidement, si l’on en juge par les notes qui ont été conservées. On y reconnaît – avec une insistance sur certains points, par respect de la vocation propre des moniales – les thèmes qui lui sont chers : enthousiasme pour l’Office divin, avec l’indispensable travail intellectuel d’approfondissement théologique, en ne craignant pas d’ouvrir la Somme de saint Thomas ; attachement à L’Église et sensibilité à ses grandes causes ; orientation habituelle de la pensée et du cœur vers le Christ, contemplé en sa qualité d’Epoux ; zèle pour le salut des âmes ; enfin, joie et gaieté, parfaitement compatibles avec la dignité « être alléluia de la tête aux pieds », aimait-il à répéter.
Mère Cécile Bruyère a su faire fructifier cette doctrine d’une manière éminente. On a dit qu’elle en fut le miroir très fidèle. Elle a, en effet, rapporté bien souvent les paroles mêmes de Dom Guéranger, ou le sens général de sa pensée ; elle a parcouru toute sa correspondance et ses écrits afin de préparer les matériaux d’une première biographie. Mais elle ne s’est pas contentée de répéter matériellement son maître comme tout vrai disciple, elle en a assimilé l’enseignement de façon si personnelle, qu’elle est devenue à son tour un maître spirituel.
La vie contemplative lui est apparue comme la célébration de l’unique Liturgie céleste, qui fait vivre l’âme de la Vérité et de la Beauté infinie. Ainsi a-t-elle dégagé les éléments d’une théologie de la contemplation, que Dom Delatte découvrira à Solesmes et développera. En 1885, l’abbesse publiera La vie spirituelle et l’oraison, selon la Sainte Écriture et la tradition monastique, traité dans lequel elle transmet son message spirituel nourri d’une haute expérience des choses de Dieu, expérience que Dom Guéranger avait commencé à diriger.
Une grande discrétion a d’abord enveloppé la fondation de Sainte Cécile, appelée par la suite à exercer un profond rayonnement. « De telles œuvres se font connaître par leurs fruits », écrivait Dom Guéranger à Mgr Pie, comme pour s’excuser de parler peu de cette nouvelle maison. A ses amis, le fondateur se contentait de se déclarer très satisfait et récompensé de ses efforts ; mais il lui arrivait aussi de se trahir à travers certaines expressions : « Ce petit parterre que je plante à la gloire du Seigneur sur mes vieux jours… » L’évêque de Poitiers percevait avec finesse le sentiment intime du père abbé : « Il prétend, disait Dom Guéranger, que je suis comme ces pères qui ont un dernier enfant dans leur vieillesse et qui en sont plus tendres que des autres, surtout quand c’est une fille.
L’établissement d’un couvent de jeunes moniales à proximité d’un monastère d’hommes comportait bien quelques risques d’ordre psychologique, tant chez les moines que dans la population, naturellement aux aguets. Par ailleurs, de la part d’un supérieur qui, en raison du nombre croissant de ses fils, se plaignait déjà de ne pouvoir suffire à la tâche, il pouvait paraître peu raisonnable de se charger encore d’une communauté de femmes. Dom Guéranger mena si habilement les choses, que tout en se réservant le soin d’assister personnellement les moniales, surtout dans les débuts, il préservera ses moines de toute réaction de jalousie. A vrai dire, la beauté et l’importance de l’œuvre ne les laissaient pas insensibles.
Respectueux de la vocation de chacun, l’abbé de Saint-Pierre se garda de confondre ses fils et ses filles, sinon dans son dévouement. Un homme aussi réfractaire à l’uniformité, aussi attaché à la diversité complémentaire des membres d’une même famille, ne songeait nullement à imposer des imitations réciproques. Mais les relations entre les deux monastères devaient se révéler bénéfiques, équilibrant en chacun d’eux les qualités de force et de délicatesse. Mieux encore, la vie cloîtrée des moniales s’avéra pour les moines un précieux exemple de fidélité silencieuse, tandis que les meilleurs travaux de Saint-Pierre devinrent une source d’enseignement spirituel pour Sainte-Cécile.
Résumant les motifs de sa joie, Dom Guéranger écrivait en 1868 ces quelques mots où se devine, avec sa foi coutumière, son admiration pour la grande martyre romaine à laquelle il dédiait sa dernière œuvre
« Notre-Seigneur est connu, aimé et servi bien fidèlement dans ce petit sanctuaire. C’est un défi à la Révolution dans les temps où nous sommes, mais les premiers chrétiens osaient bien plus encore. »