Marie d’Agréda – 26e article

Marie d’Agréda et la Cité mystique de Dieu.

26ème article : Le jugement d’approbation de l’université de Louvain. Le rôle de Benoît XIV. Le Père Amort lutte à mort contre la Cité mystique. La réponse du Père Gonzalez Matheo. Le Bref de Benoît XIV. Nouvelle attaque d’Amort et nouvelle réplique du Père Gonzalez. Amort vraiment infatigable. La critique du Père Sedlmayr. Le décret de Clément XIV. La nouvelle édition française de la Cité mystique.

(26e article.—Voir les n°s des 23 mai, 6 et 20 juin, 18 juillet, 1 et 15 août, 12 et 26 septembre, 10 octobre, 21 novembre, 5 et 19 décembre 1858, 16 et 31 janvier, 13 février, 13 et 28 mars, 11 avril et 15 et 29 Mai, 15 juin et 18 juillet, 7 et 22 août, et 18 septembre 1859.)

 

 

    Le jugement d’approbation porté sur la Cité mystique par l’Université de Louvain, en 1715, nous a donné entrée sur le XVIIIe siècle. Cette époque offre à son tour plusieurs faits intéressants qu’il est à propos de noter. Il a été question plus haut des congrégations instituées par les Papes pour l’examen du livre. Clément XI, dès son avènement, confirma celle qu’avait formée Innocent XII. Benoît XIII en créa une nouvelle, sur la demande de Philippe V. Enfin, Benoît XIV venait de monter sur le Saint-Siège, lorsqu’une dernière et violente attaque se déclara tout à coup contre l’œuvre de Marie d’Agréda. Cette fois le coup ne partit pas de la France ; grâce à la censure de 1696, la Cité mystique n’était plus guère connue chez nous ; on savait à peu près qu’une religieuse espagnole avait publié, au siècle précédent, une Vie de la sainte Vierge remplie de détails absurdes et inconvenants, et que la Sorbonne, dans le temps, en avait fait justice ; mais le livre, prohibé comme l’on sait, était devenu rare, et on n’en parlait guère que sur les dires d’autrui. II va sans dire que l’Espagne demeurait fidèle à la Cité mystique ; la Belgique lisait le livre dans sa traduction, l’Italie dans la sienne, et l’Allemagne catholique se délectait aussi dans celle qu’elle avait produite de bonne heure. Un chanoine régulier de l’abbaye de Pollingen, en Bavière, nommé Eusèbe Amort, déjà connu dans la république des lettres par quelques productions dont le nombre s’augmenta avec les années, se prit d’un zèle ardent contre l’œuvre de Marie d’Agréda et résolut de la combattre.

II le fit d’abord avec assez de modération dans un ouvrage spécial qu’il publia à Augsbourg, en 1744, sous ce titre : De Revelationibus, Visionibus et Apparitionibus privatis Regulæ tutæ. Dans ce livre, curieux comme tous ceux d’Amort, on voit tout de suite que l’auteur s’est donné pour but de renverser la Cité mystique, et que les règles qu’il rassemble et qu’il coordonne avec plus ou moins de bonheur sont dirigées contre cet ouvrage. Il ne faut pas chercher dans ces deux volumes in 4o l’élévation des pensées, ni les traits d’un esprit supérieur ; dans tous ses récits, Amort est assez court de vue : ses idées sont vulgaires ; mais il a en propre un caractère de ténacité dont il a donné souvent des preuves dans sa vie littéraire, mais nulle part avec autant d’évidence que dans la controverse qui nous occupe en ce moment. Après avoir exposé les règles pour juger les révélations privées, d’après les principaux auteurs mystiques, Amort entre dans le détail et examine un certain nombre de points qu’il tire des révélations de sainte Gertrude, de sainte Elisabeth de Schouaw, de la B[ienheureuse] Angèle de Foligno et de la B[ienheureuse] Véronique de Binasco ; de là, il passe à la Cité mystique, dont il donne une analyse de 250 pages, dans laquelle il fait ressortir, à son point de vue, les faits et la doctrine que ce livre est censé contenir. Ce sommaire est assez intéressant et a dû coûter à l’auteur beaucoup de temps et de travail. Il est suivi d’une appréciation sévère du livre de la Sœur, au point de vue de la critique historique et de la théologie. Il serait impossible de donner ici une idée de ce minutieux rapport dans lequel l’auteur, réduisant en catégories tous les articles de doctrine qu’il conteste, prononce la plupart du temps sans preuves, avec une assurance dont on trouverait difficilement un second exemple.

Ce qui étonne dans cette démonstration belliqueuse, c’est de voir Amort, lorsqu’il est amené à parler de la censure de Sorbonne, prendre la défense de Marie d’Agréda sur les principaux chefs de la doctrine incriminée par les docteurs de Paris. Ainsi, il les blâme d’avoir censuré les propositions suivantes : « Que Dieu a donné à Marie tout ce qu’il pouvait donner à une créature ; que toutes les faveurs dont Marie a été l’objet, y compris la maternité divine, tirent leur origine de la Conception immaculée ; que Marie est la médiatrice de la grâce, la réparatrice des hommes, la coadjutrice du Rédempteur. » Après de telles concessions faites aux doctrines de la Cité mystique, on est surpris que le nouveau critique se montre si rigoureux sur un nombre immense de points qui sont loin d’avoir la même importance ; il en est cependant ainsi, et l’on peut dire que sa critique s’étend à peu près à toutes les assertions que renferme l’ouvrage. Si Amort se fût borné à discuter certaines thèses d’histoire et de chronologie, et à conclure contre telle ou telle des idées de la Sœur, aucun des lecteurs éclairés de la Cité mystique n’eût été tenté de le trouver mauvais ; car il est reconnu en principe, ainsi que nous l’avons établi plus haut, que les révélations privées sont sujettes à contenir quelque mélange d’erreur, par suite de la faiblesse humaine, laquelle ne sait pas toujours discerner les idées préconçues qui projettent quelquefois leur ombre jusqu’au sein même de ces illustrations fugitives dont Dieu favorise ses élus. Mais le docte chanoine régulier en fait grâce sur rien ; il pose ses conclusions sur une foule de points discutables scientifiquement en histoire et en chronologie, et il n’admet pas que, même au moyen d’une révélation divine, ses idées pourraient être réformées. De même, sur les doctrines théologiques de la Cité mystique, il parait ignorer ce qu’ont enseigné les docteurs scholastiques quant au rôle de Marie dans le plan divin de l’Incarnation. Sans doute, aucun théologien n’a réuni dans une aussi magnifique synthèse tous les rayons épars de la gloire incomparable de la Mère de Dieu ; mais, il faut bien le dire, et les discussions qu’amena le livre d’Amort l’ont montré, on ne rencontre pas dans la Cité mystique une seule assertion sur les grandeurs et le ministère de Marie qui n’ait été soutenue, au moins en germe, par quelque docteur orthodoxe, et souvent par les Pères eux-mêmes et par les écrivains ecclésiastiques de l’antiquité. Les étonnements d’Amort auraient cessé, s’il eût été plus familier avec l’érudition théologique, qui était déjà devenue rare de son temps.

Quoi qu’il en soit, son livre, publié en 1744, fut attaqué vivement, dès 1747, par le P[ère] Diego Gonzalez Matheo, franciscain de l’Observance, qui publia à Madrid l’apologie de la Cité mystique, sous le titre de : Vindiciæ Agredanæ. En même temps paraissait à Munich une seconde Défense, composée par le P[ère] Landelin Mayr, autre franciscain, sous ce titre : Valde probabilis et efficax præsumptio pro certitudine revelationum V. Mariæ a Jesu de Agréda. Ces deux ouvrages volumineux combattaient à outrance les assertions d’Amort, et l’on ne peut nier que les réponses qu’ils opposent au chanoine régulier ne soient ordinairement assez concluantes. Gonzalez et Mayr suivent leur adversaire partout et ne lui font grâce de rien. On regrette seulement que ces deux hommes, plus versés qu’Amort dans la théologie scholastique, lui soient notablement inférieurs dans la critique historique et dans la connaissance des sciences naturelles. Leurs ouvrages, dignes d’une sérieuse attention, offrent plus d’un côté faible, en sorte qu’il est juste de reconnaître que la Cité mystique ne fut pas alors pleinement vengée par ces deux auteurs.

L’année suivante, le 6 janvier 1748, Benoît XIV adressait au général de l’ordre de Saint-François le bref célèbre dont il a été parlé ci-dessus, et dans lequel le Pontife fait le récit de tout ce qui s’était passé jusqu’alors au sujet du livre de Marie d’Agréda. Il mentionne à la fin l’ouvrage d’Amort et la réplique de Gonzalez, et sans prendre parti pour l’un, ni pour l’autre, il annonce que l’examen de l’attaque et de la défense aura lieu au sein de la Congrégation instituée pour prononcer sur l’orthodoxie de la Cité mystique. La nouvelle de ce bref ranima l’ardeur d’Amort, et l’année 1749 ne s’acheva pas sans qu’il eût donné au public un nouvel in-quarto, qu’il intitula assez brutalement : Controversia de Revelationibus Agredanis explicata, cum epicrisi ad inoptas earum revelationum Vindicias editas a P. Didaco Gonzalez Matheo et a P. Landelino Mayr. Le livre était imprimé à Augsbourg ; Amort avait été combattu vigoureusement et sans égards littéraires par ses deux adversaires ; mais il faut convenir que, dans ce dernier ouvrage, il les laissa loin derrière lui par la violence de son langage, et, tranchons le mot, par la grossièreté des injures qu’il leur adresse. Il poussa la petitesse de procédé jusqu’à consacrer un chapitre entier à recueillir les solécismes qui ont échappé à Gonzalez en écrivant ses Vindiciæ Agredanæ. Le livre est dédié à Benoît XIV, auquel Amort dénonce son adversaire, implorant sur lui une condamnation. En somme, cette nouvelle production du chanoine régulier ne renferme rien de neuf ; le latin est exempt de solécismes, il faut en convenir ; mais la morgue et la protection sont partout, jointes à une naïveté toute germanique qui tourne au grotesque trop souvent. Il est à remarquer que, dans ce livre, Amort revient sur ses pas, adopte la Censure de la Sorbonne contre la Cité mystique, oubliant sans doute qu’il l’avait combattue cinq ans auparavant ; tant était violente la crise que lui avait fait éprouver une contradiction sur laquelle il ne comptait assurément pas.

Gonzalez n’était pas homme à se laisser abattre par des injures. En 1751, il fut en mesure de publier une réponse victorieuse aux attaques d’Amort. C’était un in-folio qui portait ce titre : Apodixis Agredana pro mystica Civitate Dei technas detegens Eutsebianas. Dans cet ouvrage, Gonzalez garde, infiniment plus de dignité que son adversaire ; mais il faut convenir qu’il le serre de près. Plus de quatre-vingts passages de la Cité mystique, dénaturés par Amort, sont rétablis dans leurs véritables termes dans leur véritable sens ; ce qui ne contribue pas peu à renverser l’échafaudage de raisons que Amort avait élevé contre l’ouvrage. Gonzalez demanda compte à celui-ci de l’affectation qu’il avait mise à reproduire en entier les Animadversiones du Procurateur de la foi sur le livre de la Sœur, sans donner les réponses si précises et si savantes qu’ont fournies les avocats de la cause, et il répare cette omission par trop significative. Pour les questions de critique historique et de sciences naturelles, on voit que le Franciscain s’est mis en mesure de fournir à son adversaire des répliques plus solides, et cette partie de son Apodixis présente un intérêt tout spécial. Les excursions dans le domaine de la théologie sont généralement heureuses ; les questions sont ramenées constamment aux termes les plus précis ; et le lecteur sérieux finit par se féliciter d’avoir suivi une controverse, trop vive, il faut en convenir, mais dont les résultats offrent tant d’avantages.

Au moment même où le P[ère] Gonzalez donnait ainsi son dernier mot sur la Cité mystique, l’infatigable Amort lançait dans le public un nouvel ouvrage contre Marie d’Agréda. Ce livre, écrit sur le même ton que les précédents, avait pour titre : Nova Demonstratio de falsitate revelationum Agredaniarun, cum parallelo inter pseudo-Evangelia et easdem revelationes. Augsbourg. 1751. in-4°. Amort avait cru tirer un grand parti du rapport que présentent certains passages de la Cité mystique avec quelques particularités qui sont relatées dans les Evangiles apocryphes. Ce système d’argumentation n’est pas sérieux. Ainsi que nous l’avons remarqué plus haut, il faudrait d’abord prouver que ces faux évangiles, dont la rédaction remonte pour la plupart au Ier siècle de l’ère chrétienne, ne contiennent absolument que des fables ; or, c’est ce que l’on ne démontrera jamais. Ces livres ne sont pas canoniques, ils renferment des récits souvent absurdes ; mais rien n’autorise à conclure qu’ils ne sont tous qu’un tissu de mensonge d’un bout à l’autre. C’était ainsi que raisonnaient, j’en conviens, les hypercritiques de la fin du XVIIe siècle, quand ils voulaient enlever aux parents de la sainte vierge les noms de Joachim et d’Anne, attendu que ces noms se sont transmis au moyen des Evangiles apocryphes ; mais ces savants hommes oubliaient de prouver la majeure de leur argument. Amort n’y songea pas davantage. On peut donc opposer à son livre une fin de non-recevoir absolue, tant qu’il ne sera pas démontré que tout est faux dans ces documents d’une si haute antiquité, et c’est ce que personne ne fera jamais. On s’expliquerait même difficilement que ces récits aient pu prendre une créance quelconque, si bornée qu’elle ait été, dans le cas où ils ne se seraient rattachés par aucun côté à la vie et aux actions de Notre-Seigneur et de sa sainte Mère. Quoi qu’il en soit, cet écrit fut le dernier que publia Amort sur la Cité mystique. Doit-on attribuer cette cessation de lutte à la lassitude, à l’effet produit sur lui par la solide réplique de Gonzalez, ou à quelque injonction supérieure ? C’est ce qu’il est difficile de savoir aujourd’hui. Je croirais assez, volontiers que certaines mesures de l’autorité à l’endroit de son intempérante polémique peuvent bien avoir été pour quelque chose dans son silence. Il est certain que ses hardiesses avaient fini par scandaliser l’Allemagne catholique, surtout quand on l’avait vu se laisser entraîner jusqu’à ébranler la croyance à l’Immaculée-Conception, à force de vouloir réduire les prérogatives de la Mère de Dieu, dans le but de mieux réfuter, pensait-il, les imaginations de la Sœur d’Agréda. L’éveil fut donné sur ce point si délicat par le P[ère] Sedl-Mayz [sic], bénédictin allemand, dans une critique qu’il publia sur un autre ouvrage d’Amort intitulé : Idea divini amoris. On trouve à la même époque, à la date du 12 décembre 1749, une lettre de Maximilien-Joseph, duc de Bavière, adressée au prévôt de Pollingen, et dans laquelle le prince se plaint vivement du scandale causé aux fidèles de ses Etats par la licence du P[ère] Amort, au sujet de la croyance à l’Immaculée-Conception, et enjoint au prévôt d’empêcher désormais ce religieux de rien publier sur ces matières. Cette défense du souverain n’arrêta cependant pas Amort dans la publication dont nous venons de parler, et qui se rapporte à l’année 1751 ; mais il faut remarquer aussi que cet auteur, tout entier à la confrontation de la Cité mystique avec les Evangiles apocryphes, n’a pas l’occasion de revenir sur les thèses qu’il avait traitées dans les écrits précédents, et qui avaient causé quelque peine aux catholiques de son pays.

En avançant dans le XVIIIe siècle, nous ne rencontrons plus rien hors de Rome au sujet de la Cité mystique. Sous Benoît XIV, la Congrégation formée par le Pontife pour l’examen du livre était arrêtée, ainsi que le Pontife lui-même, par l’incertitude qui régnait encore sur le véritable auteur de l’ouvrage. Le manuscrit original n’avait pas encore été produit, la confrontation de l’écriture et du style de la Sœur n’avait pu encore être faite. J’ai raconté plus haut comment la question fut enfin juridiquement tranchée, sous Clément XIV, par un décret apostolique déclarant, après toutes les confrontations et expertises nécessaires, que la Cité mystique de Dieu est véritablement et authentiquement l’œuvre de la vénérable sœur Marie de Jésus, abbesse du monastère de l’Immaculée-Conception d’Agréda.

Après ce décret qui se rapporte à l’année 1771, je ne trouve plus de faits relatifs à la Cité mystique, jusqu’à la publication, à Paris, de la nouvelle édition qui a donné occasion à ces articles. La fin du XVIIIe siècle n’était guère l’époque où pouvait être glorifiée une œuvre mystique, et l’esprit de naturalisme qui a triomphé dans la première moitié du siècle présent, laissait peu espérer que l’on entendît de nos jours parler en bien d’un livre que Bossuet et la Sorbonne avaient réprouvé en 1696. Les meilleurs catholiques de France, et parmi eux plus d’un théologien, vivaient et mouraient sans avoir même entendu prononcer le nom de Marie d’Agréda. Mais, dans les années où nous sommes, de même que nous devons nous attendre à tous les fléaux, de même aussi devons-nous reconnaître que la bonté de Dieu se fait sentir par les visites les plus inattendues. La définition du dogme de l’Immaculée-Conception a tracé, au milieu de ce siècle, un point de démarcation qui ne s’effacera pas. Il y a vingt-cinq ans, j’étais en mesure d’écrire cette longue suite d’articles sur Marie d’Agréda ; je m’en suis gardé. Aujourd’hui, s’il est permis de juger d’après les nombreuses lettres d’encouragement que j’ai reçues, même de l’étranger, ce sujet trouve un public qui s’y intéresse. C’est un indice consolant, et une preuve que beaucoup de préjugés sont tombés, et que d’autres s’en vont. Dieu fait son œuvre à travers tous les obstacles ; et il nous donne aujourd’hui beaucoup, parce que sans ces dons extraordinaires, la chrétienté encourrait des périls au-dessus de ses forces. Il ne faut donc pas trop craindre, en ces jours où nous avons vu Marie, la Sainte Cité, descendant du ciel, se montrant à la terre dans toutes les splendeurs de sa pureté originelle. Que les nations s’agitent, que les Etats soient ébranlés, que la terre, remuée dans ses fondements, envoie un mugissement plaintif, l’arc-en-ciel n’en est pas moins là, immobile sur la nue, gage d’espérance en des jours meilleurs.

La nouvelle édition de la Cité mystique, publiée chez Mme veuve Poussielgue, est correcte, d’une lecture facile, et bien préférable pour l’usage à l’ancienne édition en trois volumes in-quarto. Il est à regretter qu’une nouvelle traduction n’ait pas remplacé celle du P[ère] Croset, qui a été à peine rajeunie çà et là. On a vu aussi avec un certain déplaisir que le titre original n’ait pas été reproduit Au lieu de lire : La Cité mystique de Dieu, soit la vie de la très sainte Vierge, on aimerait à retrouver sur cette traduction, comme sur toutes les précédentes, le pompeux intitulé de l’original : La Cité mystique de Dieu, miracle de toute-puissance, abîme de la grâce, histoire divine et la vie de la très sainte Vierge Marie, Mère de Dieu, manifestée dans ces derniers siècles par la même sainte Vierge à la Vénérable Mère Marie de Jésus, Abbesse du monastère de l’Immaculée-Conception de la ville d’Agréda. La particule soit qu’on lit sur le nouveau titre n’est pas heureuse non plus, et sent assez peu son français. On a ajouté au nom de Marie d’Agréda ces mots : De l’Ordre de Saint-François ; outre qu’il y a là une nouvelle altération du titre espagnol, cette modification n’est pas exacte. Les religieuses de l’Immaculée-Conception sont affiliées à l’Ordre de Saint-François et dirigée par les Franciscains, mais elles ne sont pas franciscaines. Enfin, le volume qui renferme la vie de la Vénérable Sœur contient un Appendice sur l’histoire du livre, qui demanderait certaines modifications assez importantes. Je soumets en finissant ces légères critiques d’amateur au respectable éditeur de la Cité mystique, en le félicitant d’avoir si bien su comprendre le besoin des âmes pieuses, et d’avoir eu la gloire de restituer à la France un trésor dont elle était injustement privée depuis bientôt deux siècles.

D[om] P[rosper] Guéranger.