Entretiens Dom Guéranger – S1E1

Entretiens sur Dom Guéranger

Ce podcast vous est proposé par l’Association pour la canonisation de Dom Guéranger.

Dom Louis Prosper Guéranger est né en 1805 et mort en 1875.

Parmi d’autres choses il est le refondateur du monastère Saint-Pierre de  Solesmes  et le restaurateur de la vie bénédictine en France.

Nous retrouvons aujourd’hui Dom Michel Marie du Merle de l’abaye Saint-Pierre de  Solesmes. Père du Merle bonjour, merci de nous recevoir aujourd’hui dans vos locaux, dans un des parloirs de du monastère de Saint-Pierre de Solesmes cette abbaye même qu’a restaurée Dom Guéranger au XIXème siècle.

C’est assez fascinant de pouvoir parler avec vous aujourd’hui à l’intérieur même des murs où a vécu Dom Guéranger. J’aimerais savoir simplement en quoi l’enseignement les écrits de Dom Guéranger ont pu influencer votre vocation ont pu même vous guider vers  Solesmes, ce petit village la Sarthe qui n’est pas très loin du Mans et pourquoi finalement être moine à  Solesmes sous le patronnage de Dom Guéranger qui est votre père est aussi si important pour vous, en quoi son enseignement vous a marqué, et en quoi ses intuitions concernant la vie monastique ont été des choses qui réellement font encore jusqu’à aujourd’hui vivre votre vocation monastique votre vie quotidienne votre prière et tout ce qui concerne finalement la vie conventuelle qui est faite à la fois de pénitence et de louange.

Cette vie conventuelle, comment elle elle s’articule autour de l’enseignement de Dom Guéranger et pourquoi vous pensez simplement que c’est un grand saint comme nous le pensons aussi.

Merci beaucoup on va être très très à l’écoute de votre enseignement aujourd’hui je suis sûr que l’ensemble de nos auditeurs sera très heureux en fait de vous écouter de essayer de mieux comprendre ce grand personnage qui est le serviteur de Dieu Dom Guéranger.

Merci beaucoup je suis donc un vieux moine puisque je suis arrivé à Solesmes en 1966 et je pense que mes études secondaires au collège des Jésuites à Vannes, à Saint François-Xavier m’avait d’une certaine façon préparé à entrer à Solesmes puisque j’ai fait partie de la chorale de ce collège et j’étais très très fan de chant, de chant liturgique. Et des années après je me suis rappelé d’un motet – je sais plus si c’est de Monteverdi : “Beati qui habitant domo tua Domine, in saecula saeculorum laudabunt te” (Heureux ceux qui habitent en Ta maison, Seigneur, dans les siècles des siècles ils Te loueront).. et le “laudabunt te” était repris un certain nombre de fois sur des tons différents et ça ça m’enthousiasmait ;

et en fait c’est ce que j’ai trouvé ensuite ici à l’abbaye puisque selon la très belle définition que Dom Guéranger a donné de l’Eglise. L’Église c’est d’abord et avant tout la société de la louange divine et vous savez que ce n’est certainement pas un hasard si Paul VI qui était très ami des Bénédictins a voulu que le premier texte voté par les pères conciliaires concerne la liturgie ; et son discours à ce sujet aurait très bien pu être signé je pense par notre père Dom Guéranger !

Voilà donc j’ai suivi ensuite le parcours habituel d’un jeune postulant puis novice puis jeune profès solennel ; et puis j’ai été ordonné diacre en 1975 et ensuite j’ai attendu un certain temps pour recevoir l’ordination sacerdotale parce que chez moi la vocation monastique et la vocation sacerdotale étaient bien distinctes. J’ai eu plusieurs charges ensuite soit à l’infirmerie soit à l’hôtellerie pendant longtemps comme aide du père Ménard et du père Soltner, du père de Préville ; plusieurs hôteliers qui sont passés dans ce service et puis ensuite pendant  20 ans j’ai eu le service de nos oblas et oblat de 1992 à 2012.

Je dois dire que parmi les ouvrages de Dom Guéranger qui m’ont le plus marqué d’abord comme jeune novice et profès, c’est bien sûr le règlement du noviciat,

https://www.abbayedesolesmes.fr/affichagelivres/notions-sur-la-vie-religieuse-et-monastique

qui est un résumé très complet finalement de l’idéal monastique et on peut être admiratif devant ce fait que Dom Guéranger qui n’a pas eu de maître dans la vie monastique est retrouvé – on peut dire d’instinct – la substantifique moelle de cette vocation monastique à tel point que bien après le bienheureux Pape IX, dans un bref laudatif reconnaîtra en Dom Guéranger un vrai fils de Saint-Benoît.

Avec le Règlement du noviciat, c’est bien sûr l’Année liturgique,

https://www.domgueranger.net/category/le-liturgiste/annee-liturgique

qui m’a beaucoup marqué ; nous la lisions avec beaucoup d’assiduité en suivant les saisons liturgiques j’ai toujours été frappé par cette onction qu’on perçoit dans chaque page de ce livre ; et j’ai été très heureux le jour où j’ai appris que toute la famille Martin – la famille de la petite Thérèse de Lisieux – avait été formé par la lecture de cet ouvrage. A la veillée chaque soir aux Buissonnets, on disait l’Année liturgique dans ce livre – ce missel en plusieurs volumes. Il est frappant de voir comment déjà Dom Guéranger présentait des intuitions par exemple du pape Jean-Paul II sur l’importance d’alimenter notre vie chrétienne, notre vie spirituelle aux deux poumons de l’Eglise et c’est sans doute quelque chose d’assez nouveau dans cet ouvrage par rapport aux autres livres de cette époque.

Après les grandes fêtes sa Dom Guéranger cite bien souvent de larges extraits des liturgies orientales, et on sait qu’il avait une certaine prédilection pour saint Ephrem, à cause de la poésie extraordinaire de ce diacre, “la harpe du Saint-Esprit” comme on l’a appelé. Et il est très heureux que des années après assez récemment on a pu réunir toutes les pages mariales de ce missel sous le le titre Notre-Dame dans l’année liturgique.

https://www.abbayedesolesmes.fr/affichagelivres/notre-dame-dans-lannee-liturgique

Le livre a été préfacé par Monseigneur Cattenoz qui voit une sorte de somme mariale ; c’est en effet un ouvrage très complet même s’il n’y a pas bien sûr de pages consacrées directement à au dogme de l’Assomption et pour cause… Mais Dom Guéranger y croyait très fermement étant donné que le prieur Dom Bougler avait fait décorer l’église priorale de  Solesmes de ces magnifiques sculptures exaltant à la fois le privilège de l’Immaculée Conception et aussi de l’Assomption de Marie en corps et âme dans la gloire divine.

https://www.abbayedesolesmes.fr/les-saints-de-solesmes

Bien sûr nous lisions aussi au noviciat le Mémoire sur l’Immaculée Conception,

où Dom Guéranger révèle ses qualités de théologien et de très bon interprète de la tradition. Mais pour lui, la tradition ce n’est pas du tout quelque chose de figé et au contraire c’est dynamique, c’est la vie de l’Église qui grandit à travers les siècles grâce à la réflexion théologique au magistère et puis aussi à l’expérience mystique des saints très nombreux, toujours, à toutes les époques dans l’Église.

Nous lisions aussi bien sûr des écrits de ses correspondances à ses moines et c’est assez touchant de voir comment il aidait chacun, selon le tempérament de chaque moine, et se souciait particulièrement des santés. On peut dire qu’il était presque une mère pour certains de ces moines qui étaient assez fragiles de santé. Sans doute est-ce lui-même par expérience de cette santé un peu précaire qu’il était aussi attentif puisqu’à la suite de ses études au séminaire il avait eu une grande fatigue surmenage intellectuel et il en gardera toute sa vie, dit-il, des migraines des maux de tête… Et en plus il avait aussi un estomac fragile on le sait on est d’autant plus étonné du travail extraordinaire qu’il a fourni pendant des dizaines d’années et en particulier l’Année liturgique c’était pour lui vraiment un effort très très dur de pouvoir fournir au fur et à mesure les thèmes correspondant à la saison liturgique et que les lecteurs réclamaient.

Ce qui frappe dans la personnalité de Dom Guéranger on peut déjà le percevoir dans l’extraordinaire portrait que Ferdinand Gaillard en a fait ; et je peux dire que la première image qui me reste de Dom Guéranger quand je suis entré à Solesmes, c’est ce portrait extraordinaire. Gaillard avait un don pour rendre pour exprimer l’âme profonde de son modèle et on voit dans les yeux de Dom Guéranger cette limpidité, cette pénétration du regard, et aussi ensemble une grande force ainsi que la bonté. Sa charité était très connue et elle a rayonné spécialement parfois à l’égard de moines qui lui ont donné de la peine, du souci mais il n’était pas du tout rancunier. Il passait, il pardonnait, et il reprenait les relations avec eux comme s’il y avait pas eu de gros problèmes

Sa foi en la Providence a été admirable je pense que c’est un des traits de sa sainteté parce que personnellement j’y crois beaucoup et je ne suis pas le seul. Sa foi en la Providence est tout à fait celle de très nombreux saints fondateurs qui partaient avec des moyens extrêmement réduits mais qui comptait sur l’aide au jour le jour. Et les débuts ont été très pauvres, on le sait. Il a été aidé par des personnes de la région de Sablé en particulier où il était né, mais mais il a toujours compté sur la Providence et le vœu qu’il avait fait au Sacré-cœur au moment de la restauration de la vie monastique à Solesmes ; et bien il a été exaucé et la communauté est fidèle à garder observer toutes les promesses qu’il avait fait au Sacré-cœur. Notre congrégation est consacrée au Sacré-cœur et à l’Immaculée Conception. La sensibilité de Dom Guéranger était très profonde ; parmi ses très nombreux amis – il avait un véritable don pour l’amitié – il suscitait certainement l’amitié. Il s’est lié avec un archéologue romain qui avait une certaine réputation : le chevalier Jean-Baptiste de Rossi, qui a commencé des fouilles et qui a mis au jour, en lumière, beaucoup de catacombes dans ses grands albums publiés sous le titre la Roma soterania et Dom Guéranger l’encourageait beaucoup. Il était évidemment très intéressé par ces fouilles du fait de sa grande dévotion à la martyre Sainte Cécile sur laquelle il a écrit toute une biographie. Mais dans une des lettres au chevalier de Rossi qui venait de perdre un enfant en tout bas age, il a écrit des lignes vraiment magnifiques sorti de son cœur et c’est tout à fait Dom Guéranger qu’on trouve là tout à fait. Cette correspondance a été éditée par un ancien père abbé, Dom Cuthbert Johnson.

Il y aurait bien sûr beaucoup d’autres choses à dire je voudrais seulement signaler que je reprends très volontiers à l’approche d’une grande fête liturgique des pages de l’Année liturgique, car je trouve que Dom Guéranger a reçu vraiment un charisme pour mettre son lecteur quasiment en présence du mystère qui va se dérouler. Je pense par exemple la présentation notre notre Seigneur au temple. Dom Guéranger prépare l’âme le cœur l’âme de son lecteur – de sa lectrice – à entrer dans les dispositions qui animaient Marie, Joseph, l’enfant Jésus, le vieillard Siméon et Anne. On croirait assister avec lui, avec Dom Guéranger, à cet épisode très riche de signification bien sûr. Et c’est comme cela pour toutes les grandes fêtes liturgiques. J’ai été aussi très frappé par ces finales d’introduction sur les vies des saints parce qu’il y a aussi non seulement le temporal mais le sanctoral dans l’Année liturgique. Et certaines fêtes de saints pour lesquels il avait une plus grande dévotion sont d’une vibration intérieure d’une admiration et d’une confiance dans leur intercession !

Je pense en particulier à Saint Grégoire VII, qui pour lui était un très grand modèle la liberté de l’Eglise. Pour Dom Guéranger, c’était capital et c’est pour ça aussi qu’il avait cette très grande dévotion au pontife romain qui est le garant de l’unité de l’Église.

Je prie bien sûr très souvent Dom Guéranger ; dans plusieurs des livres de chœur dont on se sert quotidiennement, j’ai des représentations de lui ; en particulier ce portrait de Gaillard, mais aussi la photo de lui prise en Angleterre (c’est une photo là…) ; et puis aussi le le tableau qui est dans notre salle capitulaire qui est aussi assez expressif où Dom Guéranger apparaît plus comme un un patriarche, un grand-père monastique si on peut dire ; on sent qu’il a déjà tout un poids d’expérience et la bonté là aussi se lit sur son visage.

Une de ses premières prédications assez célèbre était justement un panégyrique de Saint François de Sales chez les Visitandines du Mans, qu’il fréquentait beaucoup. Il a célébré la messe très souvent devant ce très grand tableau de Saint François de Sales… Nul doute que dans cette contemplation cette proximité priante avec ce grand docteur, il a hérité on peut dire aussi de lui cette bonté cette douceur cette bénignité mais aussi la fermeté ! Il faut pas se tromper sur la douceur de Saint François de Sales… On voit comment il dirigeait Sainte Jeanne de Chantal ! Alors je prie très souvent Dom Guéranger pour nous, pour la communauté, mais il m’est arrivé plusieurs fois de recevoir de lui ce que j’appellerai sans hésiter au moins trois fois un miracle. On cherche des miracles pour faire béatifier un personnage ; alors j’ai obtenu à trois reprises ce que j’appelle un miracle. Dans les trois cas c’étaient des personnes très proches de moi, soit par la parenté, soit par l’amitié, et qui ont eu tous les trois des accidents de voiture. Enfin deux à Paris – en plein Paris rue de Rennes, avec un taxi. Dans les deux cas, c’était des jeunes garçons de  ans  ans et puis la troisième fois c’était en Afrique ; c’était une de mes nièces là que que je connaissais bien dont j’aime beaucoup les parents. Et donc, dans les trois cas je peux dire : j’ai prié Dom Guéranger comme jamais dans ma vie pendant  mois où ils étaient dans le coma. Et tous les trois à quelques années d’intervalle, ils se sont réveillés. Bien sûr la médecine dira qu’ils ont profité des soins modernes, des soins intensifs et cetera… Vous appelez ça vous un miracle bon est-ce que moi je considère que Dom Guéranger m’a écouté parce que je suis sûr qu’il m’a adopté comme un de ses fils très chers.

Et puis l’autre intervention certaine pour moi de Dom Guéranger, c’est à propos de un de mes cousins proches qui était père – qui est toujours – père de famille à ce moment-là. Il avait une famille nombreuse avec des enfants encore jeunes et il s’est retrouvé assez subitement et douloureusement au chômage et donc j’ai prié prié beaucoup pour pour lui Dom Guéranger ; et il a il a trouvé un travail donc je suis sûr que Dom Guéranger m’écoute. Mais ce que je lui demande surtout maintenant c’est bien sûr la la prospérité spirituelle, merito d’abord et numero, de la congrégation mais aussi de communiquer son amour de l’Eglise ; car je pense c’est d’un des traits les plus marquants de Dom Guéranger : un amour inconditionnel pour l’Eglise … Même si parfois ça a été difficile d’obéir ; mais pour lui l’Eglise, l’épouse du Christ, c’était ce qu’il y avait de plus important, après le Christ et sa très sainte Mère.

Merci mon père pour tout ce que vous nous avez expliqué c’est vraiment intéressant ; vous réussissez à nous donner finalement une vision transversale beaucoup d’aspects de la vie de Dom Guéranger, à la fois dans sa biographie mais aussi sur des aspects qui sont finalement très spirituels et puis aussi très personnels donc c’est très touchant ce que vous venez de nous dire. Vous venez de finir à votre intervention en expliquant que le point clé pour Dom Guéranger, c’est l’Eglise, l’amour de l’Eglise, et peut-être aussi l’amour du pontife romain donc il était très proche. Du pape, pas du pape comme personne, mais du pape comme Vicaire du Christ donc ça c’est vraiment très intéressant. Vous avez aussi abordé la question, vous savez la fameuse question de sainte Cécile et Dom Guéranger …. C ‘est très surprenant Sainte Cécile n’est pas une moniale mais c’est une romaine ! Est-ce que vous pensez pas qu’en fin de compte son “obsession” en quelque sorte, son aventure avec le chevalier de Rossi, la Rome souterraine, la biographie de sainte Cécile, c’est simplement en fait une façon de vouloir donner à l’ensemble du peuple chrétien et pas simplement à ses moines une vision d’une Eglise qui est cette épouse du Christ, au travers d’une figure type de l’Église, qui est en fin de compte Sainte Cécile.

 D’accord oui, je pense que pour Dom Guéranger, Sainte Cécile signifiait, représentait, un très bel idéal qui est capital pour la vie de l’Église. Bien sûr il a restauré la vie monastique masculine d’abord au prieuré de  Solesmes, mais il était persuadé que la virginité consacrée était un témoignage extraordinaire pour tout le peuple de Dieu et qu’il fallait reproposer cet idéal qui avait été très longtemps mis en oeuvre par des femmes chrétiennes au cours de l’histoire de l’Église. Et une de ces initiatives quand il a fondé Sainte Cécile, a été de rétablir l’antique rite de la consécration des vierges. Et je dois dire que dans mes souvenirs de postulante et de novice, certainement un des plus marquants ça a été justement de d’assister à des consécrations de vierges à Sainte Cécile en tant que petit chapelin du père Abbé Prou ou de Mgr Allix, l’évêque du Mans. Et je je sortais à chaque fois de ces célébrations – comment dire – transporté ! On vivait là – c’était long à ce moment-là, c’était l’ancien rite –  je parle avant les changements que le Concile a introduit… Mais c’était magnifique, ce mariage mystique d’une jeune fille qui avait souvent tout pour très bien réussir dans le monde mais qui avait été appelée par le Christ époux des âmes à se consacrer totalement à lui. Et à la fin de ce rite, c’était très émouvant : on reconduisait – tout le cortège du prélat – on reconduisait la nouvelle moniale à la à la porte de clôture, et là l’évêque remettait la moniale à l’abbesse, et toute la communauté réunie en cercle à l’intérieur bien sûr de la clôture …. Et les moniales se mettaient à chanter plusieurs cantiques : Portio mea Domine, sit in terra viventium.  (Que ma part, Seigneur, soit dans la terre des vivants.)

Dirupisti, Domine, vincula mea, tibi sacrificabo hostiam laudis. (Tu as brisé, Seigneur, mes liens, je T’offrirai un sacrifice de louange.)

Et aussi bien sûr, la joie de la nouvelle moniale était une prédication, même si bien sûr autour d’elle la famille qui était là était très émue, et avait du mal à retenir ses larmes. Mais je pense qu’il est nécessaire – et on le fait actuellement – notre père prieur y travaille beaucoup avec tout un groupe de l’abbé Jean-Marie Parrat, un prêtre de Luçon, à faire connaître cette vocation féminine à la vie consacrée dans la virginité. Et je pense qu’il y aura beaucoup de vocations. L’ordre des vierges lui aussi est en plein renouveau : j’en connais une à Paris qui est chargée justement du discernement et de la formation des candidates ; et il y en a et c’est très important pour l’Eglise, pour les prêtres aussi, car elles ont forcément nécessairement et ça la petite Thérèse l’avait très bien compris : “je suis entré au Carmel, a-t-elle dit, pour prier surtout pour les prêtres”, mais pour tout le peuple de Dieu bien sûr puisqu’une épouse du Christ épouse toutes les intentions de son époux ; et l’évangélisation et bien sûr au premier plan aussi. On dit souvent : “mais c’est un peu égoïste elles se retirent dans un monastère pour leur petit salut, leur petite sainteté personnelle” et cetera. Mais pas du tout ce serait complètement absurde de voir les choses comme cela. Mais dans la foi, dans la foi uniquement, nous savons que la virginité consacrée a une fécondité que nous ne pouvons pas mesurer même, tellement elle est grande et importante.

Merci beaucoup mon père pour cet éclairage extrêmement riche c’est très très très roboratif. Effectivement la question de la consécration des vierges est quelque chose d’inconnu ou de très peu connu, de très peu courant ; pourtant il y a effectivement un ordre des vierges avec un certain nombre de de vierges consacrées qui sont vraiment spécifiquement dans cette dans cet ordre – qui n’est pas un ordre religieux – mais qui est l’ordre des vierges, et qui est très ancien, qui est antique, et c’est cet ordre là qui a voulu remettre en valeur Dom Guéranger, et donc les moniales aujourd’hui sont également vierges consacrées. Voilà, et donc il y a un très très beau rituel de la consacration des vierges même encore aujourd’hui, même après le Concile, j’ai pu assister à ce type de choses effectivement, notamment à Sainte Cécile – le monastère sœur de Saint-Pierre de Solesmes où nous sommes aujourd’hui. Et c’est peut-être un petit peu plus raccourci par rapport à ce qui existait peut-être dans les années 1960, mais je vous confirme que ça reste très long et que les antiennes que vous chantez – même après le Concile – elles sont toujours chantées. Je vous renvoie par exemple sur le site de l’abbaye Sainte Cécile de  Solesmes qui a fait un reportage photo sur la dernière profession solennelle d’une des sœurs de sainte Cécile, où on voit effectivement cette consécration des vierges qui est vraiment magnifique. https://www.abbayesaintececiledesolesmes.com/professionsolennellesrjeannesophie

Mais il y a aussi quelque chose là-dessus qui est très intéressant c’est ce ce qu’en dit Huysmans ; c’est lui-même en fait quelque part un écrivain solesmien, parce qu’il était très ami justement avec la première Abbesse de  Solesmes : madame Cécile Bruyère… Il fait dans un de ses romans je crois que c’est dans l’Oblat un récit absolument ébloui de ce dont vous nous avez parlé à savoir le rituel de la consécration des vierges. Voilà donc je vous renvoie à ça si vous voulez on mettra le lien en description peut-être même qu’on trouvera quelqu’un pour nous faire la déclamation de ce passage magnifique et, c’est quelque chose qu’il faut vraiment mettre en valeur dans le sens où c’est vraiment Dom Guéranger qui a retrouvé ça et c’est ce qui a été institué au niveau de ll’Église universelle à la suite du Concile Vatican II.  Donc on sait que Dom Guéranger a eu beaucoup d’impact : il a lancé énormément de processus qui qui sont dans l’Église d’aujourd’hui quasiment au sommet de l’actualité ; on savait moins de choses sur la consacration des vierges : ça vient de lui et c’est une chose sur lequelle il fait insister donc je vous remercie beaucoup de l’avoir fait, mon père.

Dans le tempérament de Dom Guéranger, il y avait des des traits qui attiraient en effet les les âmes autour de lui et c’était à la fois un grand optimisme que même des des revers enfin des difficultés des échecs n’arrivait pas à entamer tellement sa foi en la Providence était grande ; et puis aussi un enthousiasme. Il appelait ça l’afflonnement … et c’est vrai qu’il faut un grand élan intérieur pour faire des belles choses pour le Seigneur ; et lui il mettait ses traits de caractère au service justement de la liturgie, de l’accomplissement des rites, et des et tous ceux qui l’ont vu officier ont été très frappés par justement cette cette joie intérieure cette sérénité aussi cette dignité. Et la petite Jenny Bruyère – ça c’est très très beau les débuts, les premières rencontres entre celle qui allait être la fondatrice de sainte Cécile et le père abbé de  Solesmes qui déjà, avait une une bonne expérience derrière lui. Ce sont des très belles pages ; ça fait penser un peu à la légende dorée : Saint Germain et puis Sainte Geneviève ! Mais c’est alors c’est un aspect de Dom Guéranger qui peut-être n’a pas été assez mis en valeur, sauf par le Père Daniel de Raynal, vers 2005 je crois. Il a écrit plusieurs articles sur Dom Guéranger, le directeur spirituel, “le Sourcier de Dieu”. Et parmi les personnes qui ont le plus bénéficié de cette direction spirituelle très salésiennne, sont les toutes premières fondatrices de sainte Cécile. Là, il trouvait un un terrain très très réceptif, très favorable et on peut dire qu’il est il donnait vraiment toute sa mesure. Mais il l’a fait aussi à l’égard d’autres personnes très diverses comme la prieure du Carmel de Meaux,

https://www.abbayedesolesmes.fr/affichagelivres/dom-gueranger-elisabeth-de-la-croix,

Dom Laurent Sheperd, ou la sœur de Dom Bérangier, madame Durand, puis les Landau bien sûr. Mais le nombre de ses correspondants est très important ; et c’est ce qui rend un peu difficile justement sa cause parce qu’il faut lire toutes ces lettres : ça se compte par milliers. Correspondances actives et correspondances passives : et il y a des correspondances très intéressantes. Je pense à celle avec madame Swetchine, qui a été publiée,

https://www.abbayedesolesmes.fr/affichagelivres/le-moine-et-la-comtesse,

mais il y a aussi des amis comme Monsieur Philippe Guignard, l’archiviste de Dijon à qui il a un peu révélé ses ses dons d’historien. Et sont ce sont des amitiés qui ont été très solides, très fidèles jusqu’au bout, c’est très beau, très très beau.

Merci beaucoup mon père effectivement, on ne connaît pas forcément Dom Guéranger autrement que par ses écrits liturgiques alors qu’en réalité, c’est probablement vraiment quelqu’un qui a une grande capacité de compréhension, d’écoute, et puis une une énergie, un enthousiasme pour pour guider les âmes vers vers ce qu’il y a de de plus beau à savoir la vie trinitaire. Et nous espérons bientôt pouvoir faire ce même genre d’entretien enregistré justement dans un monastère qui est en dehors de la Congrégation de  Solesmes – mais une preuve de plus que Dom Guéranger dépasse largement les petits milieux monastiques où ses ses propres fils – à savoir à Argentan ou donc une très grande amie de Dom Guéranger, mère Marie-Christine Kerrand a fait un très bon ouvrage sur la direction spirituelle des femmes par don Guéranger, parce qu’en fait c’est une figure qui est qui qui qui est tout à fait inattendue de la part des gens qui le connaissent mal c’est que – quelque part il est assez féministe, quand on y réfléchit un tout petit peu. Et donc c’est assez fascinant. Mais pour la direction spirituelle de Dom Guéranger, je vous renvoie également un excellent tout petit fascicule qui a été bien sûr édité par sainte Cécile de  Solesmes c’est c’est quelque chose de tout petit avec plein de petites citations, direction spirituelle de Dom Guéranger, ça s’appelle Paroles d’un père.

https://www.abbayedesolesmes.fr/affichagelivres/paroles-dun-pere

Voilà donc c’est pareil on mettra le lien. Merci beaucoup mon père, pour tout ça, pour le temps que vous nous avez consacré, pour tout ce que vous nous avez dit c’était formidable. A bientôt

ANNEXE

J.-K. Huysmans, l’Oblat (1903) :

L’altitude absolue de la liturgie et de l’art est là. La profession des moniales de saint Benoît ! Il y a des moments où, pendant l’extraordinaire cérémonie, le petit frisson de la splendeur divine vous fait trémuler l’âme et où l’on se sent exalté, projeté hors de soi-même, si loin de la banalité du monde qui vous entoure !

Oui, à certains instants, l’on a envie de bramer l’admiration qui vous étouffe ! Le chef-d’œuvre de l’art ecclésial, c’est peut-être le Pontifical des Vierges. L’on est pris, dès le début, aux moelles ; alors qu’après le verset alleluiatique de la messe, l’évêque ou l’abbé qui officie, s’assied, en haut de l’autel, sur le falstidorium, le siège des prélats, en face du public, et que le maître des cérémonies ou l’assistant entonne cette phrase empruntée à la parabole des Vierges, de saint Matthieu :

« Vierges prudentes, apportez vos lampes, voici l’époux qui arrive ; allez au-devant de Lui. »

Et la vierge, tenant un flambeau allumé, fait un pas et s’agenouille.

Alors le prélat, qui représente le Christ, l’appelle debout, par trois fois, et elle répond en d’admirables antiphones : — « Me voici » — et elle s’avance, à mesure, plus près. L’on dirait d’un oiseau que fascine un bon serpent.

Et, d’un bout à l’autre, l’office se déroule, éloquent, presque massif, ainsi que pendant l’ample et la forte préface ; caressant et comme parfumé par toutes les essences de l’Orient, alors que le chœur des nonnes chante ces phrases du Livre De La Sagesse : « Viens, ma bien-aimée, l’hiver est passé, la tourterelle chante, les fleurs de la vigne embaument » ; délicieux vraiment en cet épisode des fiançailles où la novice acclame le Christ, s’affirme « fiancée à celui que les anges servent, à celui dont les astres du ciel admirent la beauté » ; puis, levant le bras droit en l’air, elle montre son doigt où brille la bague bénie par le prélat et, folle de joie, s’écrie : « Mon Seigneur Jésus-Christ m’a liée à lui par son anneau et il m’adorne telle qu’une épouse ! » — Et de très antiques oraisons sanctifient, macèrent ainsi que dans de célestes aromates la petite Esther qui, regardant le chemin parcouru depuis la probation et songeant que le mariage est maintenant consommé, chante, au comble de ses vœux : « Enfin, voici ce que j’ai tant désiré, je tiens ce que j’ai tant espéré, je suis unie dans les cieux à celui que j’ai tant aimé sur la terre… » et, après la récitation de la préface, la messe continue…

Que sont, en comparaison de ce drame vraiment divin qui se joue entre l’âme et Dieu, les pauvres machines inventées par les théâtriers anciens ou modernes ? Mon Dieu, les serins !

— Oui, mais malheureusement, il n’y a pas de couvent de Bénédictines ici, et je ne verrai jamais cela, fit Madame Bavoil.

— C’est pour vous dire simplement que la cérémonie de l’oblature est, si on la rapproche de celle-là, si minime qu’elle n’est même pas intéressante à contempler. Que cette certitude vous console de n’y pouvoir assister !

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