L’autorité, tel est le troisième caractère de la liturgie. Le langage de l’Église infaillible ne saurait contenir l’erreur. Réponses aux partisans des liturgies nouvelles.
En toutes choses, l’antiquité et l’universalité produisent un troisième caractère que l’on nomme l’autorité. L’Église elle-même ne possède cette dernière qualité, à un degré si éminent, que parce que ses croyances datent du premier jour de son existence, et parce que, dans tous les lieux comme dans tous les temps, elle les fait retentir fortes et immuables. Cet inimitable caractère qui la fait ce qu’elle est, se trouve empreint dans toutes ses œuvres. Voilà pourquoi ses pensées en apparence les moins intimes, les plus indifférentes, n’ont jamais pu être comprises, et bien moins encore imitées par ceux qui, loin d’elle, ont tenté d’établir quelque chose d’imposant. Tel est l’aveu échappé plus d’une fois de la bouche du protestantisme, lorsque des efforts infiniment supérieurs à ceux de l’Église n’ont pu produire, chez lui, que confusion et stérilité. De tous les caractères de l’Église, l’autorité est celui que l’on ne parodie jamais ; la raison en est que l’autorité est pour ainsi dire la présence réelle de la Divinité.
Or, s’il est parmi les institutions de l’Église catholique quelque chose qui doivent se montrer empreint d’une grande autorité, c’est assurément son langage antique et universel, sa liturgie, Qu’elle est majestueuse, qu’elle est tonnante cette voix qui arrive à notre oreille à travers les âges, et , semblable à la voix de Dieu même, brise les cèdres orgueilleux et ébranle les déserts 1 ! Qu’il est auguste ce livre dans lequel est consignée la parole des siècles ! Qu’il est invincible cet enseignement parti du fond du sanctuaire et du pied même de l’autel du Seigneur ! Non moins vénérable que celui de la chaire de vérité, c’est dans le silence du recueillement et de la prière, c’est au moment où plusieurs sont rassemblés au nom de Jésus, qu’il s’échappe et retentit. Qui osera en contester l’infaillible vérité ? Qui osera lui opposer ses pensées d’un jour ?
Oui certes, elles ont le plus haut degré d’autorité ces prières sacrées dans lesquelles nos dogmes se déploient avec de si riches développements. Le catholique n’ignore pas que l’Église qui les a sans cesse à la bouche est la colonne et l’appui de la vérité 2 . il sait que les ténèbres sont incompatibles avec la lumière, et que le langage de l’Épouse ne saurait contredire la pensée de l’Époux. On petit donc dire qu’il est certain, autant qu’une chose petit l’être, que la liturgie romaine ne contient et ne saurait contenir aucune erreur, dans l’enseignement et la confession des dogmes ; qu’au contraire toutes ses paroles doivent être recueillies avec le plus profond respect, la plus grande docilité par tous ceux qui sont et veulent demeurer membres de la vraie Église, et l’univers entier crierait anathème à quiconque oserait juger la parole de celle qui a reçu la noble charge de transmettre à tout homme venant en ce monde la lumière de vérité 3 .
Mais quand nous venons à fixer nos regards sur ces liturgies éphémères qui n’ont pour elles ni l’universalité des temps, ni la catholicité des lieux, qui ne sont point, de leur propre aveu, le langage de l’Église, quel étonnement s’empare de l’âme ! Comment a-t-il pu se faire que des hommes se soient rencontrés qui aient osé substituer à la parole des siècles la parole d’un jour, à la parole infaillible la parole faible et trop souvent mensongère de l’homme ? Chose plus étonnante encore ! comment a-t-on osé donner cette étrange substitution pour un événement glorieux à l’Église gallicane ? Comment ont-ils pu être écoutés, ces hommes ? Il est donc bien facile de séduire par de belles apparences les cœurs peu jaloux de la sainte délicatesse de la foi ?
Les auteurs et les défenseurs des nouvelles liturgies ont à nous opposer une objection spécieuse, victorieuse même pour leur cause, si elle ne retombait de tout son poids sur eux-mêmes. Voici ce qu’ils disent : « On se plaint de ce que nous avons supprimé les prières antiques ; on nous répète « que nos liturgies se présentent tout à fait dépourvues de « l’autorité que les siècles avaient donnée aux anciennes « formules romaines, mais au fond y a-t-on perdu quelque « chose ? Au lieu de la parole des saints qui, après tout, n’étaient que des hommes, nous vous donnons la parole « de Dieu même. L’Écriture seule a fait les frais des nouveaux offices. Votre respect pour les nouveaux bréviaires « nous donnera la mesure de votre vénération pour les livres « sacrés. »
Tel est le sophisme auquel se sont laissés prendre tant de bons esprits. Répondons cependant. Vos liturgies, dites vous, sont au moins comparables à la nôtre en autorité : l’Écriture sainte en a fait tous les frais. je le crois un instant sur votre témoignage ; mais, dites-moi, qu’est-il donc arrivé à ces paroles sacrées en passant par votre bouche ? Pourquoi l’Église effrayée ne les a-t-elle plus reconnues ? Est-ce elle par hasard qui s’est trompée ? Est-ce vous qui vous êtes mépris en prenant pour la parole de Dieu les fantaisies de l’esprit humain ? La parole de Dieu ! et qui vous a donné le droit de l’interpréter, en la soumettant à un ordre tout nouveau, et de fermer les cent bouches de la tradition sans lesquelles l’Écriture n’est pour nous qu’un livre scellé ? Vous ignorez donc que si le catholique croit à l’Évangile, s’il croit à l’Écriture, c’est uniquement parce que l’autorité de l’Église l’y détermine ? Savez-vous, modernes partisans de l’emploi ingénieux de l’Écriture, que souvent ces applications sans garanties ont été accusées d’en fausser le sens ? Savez-vous que des yeux plus circonspects y ont lu .plus d’une fois les secrets d’une secte qui profane tout ce qu’elle touche ? Vous croyez, sans l’Église, avoir toujours le vrai sens de l’Écriture, vous exigez pour vos interprétations la même vénération que nous accordons à toute parole qui sort de la bouche de l’Église 4 ; détrompez-vous. L’emploi de l’Écriture est fort bon sans doute. Lisons-la, méditons-la sans cesse, mais n’allons pas croire que toutes les applications qu’en peut faire l’esprit particulier soient également sûres, et qu’il soit permis de les opposer avec confiance à la parole de l’Église confessant sa croyance. Prenez-y garde, vous iriez loin.
Non, non, bon gré mal gré, il en faut convenir : une seule erreur dans la foi ne pourrait se rencontrer dans la liturgie romaine, sans que l’Église ne fût convaincue d’errer dans son enseignement, et d’être par conséquent dépourvue de sainteté et d’infaillibilité ; au contraire il ne répugne aucunement que celle même des liturgies françaises qui est la plus répandue, renferme des choses suspectes, il est même certain qu’elle en a renfermé. il y a plus, quand on vous accorderait, ce qui ne peut jamais être, que l’autorité de vos applications de l’Écriture est égale à l’autorité des paroles de la liturgie romaine, il resterait encore un écueil terrible dans le choix des passages des Pères, moyen exploité avec succès par les jansénistes dans plusieurs bréviaires. Et l’orthodoxie des hymnes et des légendes, qui nous l’assurera ?
Encore si les nouvelles liturgies eussent été, comme on se le figure quelquefois, composées par les évêques, pasteurs des peuples et juges de la foi, cette circonstance servirait à leur donner un relief quelconque, et , avec un peu d’enthousiasme, on pourrait voir dans cette fabrication l’œuvre de l’Église de France. Mais sachez un peu comment tout cela se fit, il y a environ un siècle. De simples prêtres, de simples docteurs en théologie exploitèrent avec ardeur ce champ nouvellement ouvert à l’industrie ecclésiastique. Soutenus et alimentés par l’esprit de parti, armés d’une concordance, on les vit fournir la carrière avec un zèle infatigable et faire de la liturgie, sans prendre haleine, du premier dimanche de l’Avent au dernier dimanche après la Pentecôte. Au milieu de leurs graves travaux, parfois une étrange rivalité les arrachait au repos du cabinet. De nouveaux plans se croisaient et faisaient fureur tour à tour ; un bréviaire avait à subir une lutte formidable contre un autre bréviaire ; un missel était vaincu par un autre missel. Des brochures à peine arrivées jusqu’à nous, initiaient le public aux diverses circonstances de cette guerre liturgique. On se traitait d’hérétique de part et d’autre, et quelquefois de part et d’autre on ‘avait raison. Heureux celui qui parvenait à faire recevoir son travail et à remporter ainsi la palme à la vue de ses doctes et infatigables concurrents ! Le vaincu nourrissait longtemps dans le secret l’espérance de voir enfin quelque évêque rendre justice aux beautés de son bréviaire, et en attendant le jour où un diocèse éclairé viendrait solliciter la faveur de lui donner un nom, le public pouvait en jouir sous le titre de Breviarium ecclesiasticum. Non, cette œuvre ne fut point l’œuvre de l’épiscopat, tout fut conçu et exécuté par des hommes qui n’étaient rien dans la hiérarchie, et les lettres pastorales qui parurent en tête de ces singulières compositions, où tout était neuf jusqu’à la doctrine, furent plus d’une fois rédigées, en manière de préface, par ceux qui avaient fabriqué l’ouvrage.
Et vraiment, quand on considère d’un peu haut la dignité de la liturgie catholique, on ne sait plus que penser de voir tant d’Églises s’approprier avec tout le respect possible le langage et les idées d’un homme, quelquefois d’un sectaire, et choisir avec docilité, pour expression de leur foi et de leurs vœux, tout ce qui a pu lui passer par la tête. Certes, il y a là peu de liberté ; est-ce qu’il en serait de cette nouvelle liberté comme des autres ? Soyons moins libres, quand même nous devrions nous soumettre à l’autorité la plus respectable. Par une étrange déception, cette inconséquence n’est pas sentie. Tous les jours, on entend des prêtres vous dire, en parlant du bréviaire ou du missel de leur diocèse : « L’Église nous dit telle chose : l’Église s’exprime de telle manière sur ce mystère : voici comment l’Église célèbre les louanges « de tel saint ; n’est-elle pas admirable ? Comme ses paroles respirent la piété ! Comme elles sont pleines de dignité et de convenance ! » – Eh ! non, leur dirai-je, l’Église ne vous dit point cela. Elle n’en a jamais parlé ; à moins que vous ne soyez l’Église, à vous tout seuls. Non, l’Église ne vous dit point tout cela :l’histoire nous dit que c’est Mézenguy, Foinard, Vigier, Rondet, Valla, et autres personnages, qui, Dieu merci, ne sont pas l’Église, je vous assure. Aussi, qu’est-il résulté de tout cela ? un mépris universel pour cette liturgie factice, une légèreté inconcevable dans les jugements qu’en portent même les plus gallicans. A peine a-t-il été admis qu’un bréviaire et un missel sont des ouvrages comme d’autres, que la critique, étonnée d’abord de les rencontrer dans son domaine, a bientôt usé largement de ses droits. Tel bréviaire est bien fait, tel bréviaire est mal fait, dit-on tous les jours, et après avoir ainsi remis en question le langage de l’Église, il a été permis de soutenir indifféremment que l’Église est ou n’est pas dépourvue d’une expression suffisante de sa pensée, et cela par la faute de tel ou tel faiseur qui s’est trouvé avoir plus ou moins d’esprit. Enfin la liturgie est devenue un genre comme un autre, et un genre qui se perfectionne tous les jours. Voilà pourtant l’autorité des nouvelles liturgies ; je ne dis pas un mot dont leurs plus chauds partisans puissent contester la vérité.
Quant à la partie des nouveaux offices qui n’est tirée en aucune manière de l’Écriture, les hymnes, par exemple, ce triomphe tant célébré de l’innovation gallicane, voudra-t-on leur attribuer une autorité qu’elles n’ont pas, qu’elles ne sauraient avoir. N’ayant point reçu la sanction de l’Église, qu’expriment-elles ? La vérité catholique ? Je le crois ; mais qui la garantit ? Qui leur a donné le sceau de l’infaillibilité ? Ce n’est pas tout : voilà des hommes, des contemporains qui s’élèvent tout à coup à la dignité d’organes de l’Église et que l’Église de France accepte en cette qualité. Sans doute que pour être ainsi admis à prêter leur voix au peuple fidèle, on trouve chez eux une autorité, une vertu, une gravité, une foi qui les rendent dignes du plus sublime honneur auquel puisse être élevé le génie. Destinés à éclipser, à plonger dans l’oubli les poésies barbares d’un saint Ambroise, d’un saint Grégoire, d’un Prudence, d’un Sédulius, d’un Fortunat, d’un saint Hilaire, d’un saint Bernard, sans doute qu’ils ont édifié et consolé l’Église à l’égal de ces grands hommes ; car enfin, pour qu’elle puisse décemment répudier ses pères, il faut qu’elle puisse au moins montrer dans ceux qu’elle leur donne pour successeurs, la continuation de leur esprit. Sans doute que leurs lèvres sont pures comme celles d’Isaïe, car les cœurs purs sont seuls agréables à Dieu.
J’ouvre ces recueils célèbres. Je suis frappé, comme tout le monde, de la noblesse, de l’élévation, de la richesse de cette poésie. La lyre d’Horace et de Pindare, tombée au pouvoir du génie chrétien, rend des sons tels qu’elle n’en rendit jamais. Déjà je m’écrie : heureuses les basiliques qui retentiront d’aussi nobles cantiques ! Je veux connaître le nom de ce poète sublime, auquel il fut donné de sentir et de célébrer les mystères du ciel ; je m’informe et mille voix enthousiastes, en m’apportant le nom de Santeul, ont détruit mon enchantement. Tout a disparu. Quoi ! c’est au pied de l’autel du Dieu de majesté que se chanteront les vers d’un homme dont la légèreté, les goûts profanes, le bel esprit, s’alliaient si mal avec la gravité de son habit ? Enfant en cheveux gris, suivant La Bruyère, homme de la plus excellente compagnie ,bon convive surtout, d’après les mémoires du temps 5 il faisait les beaux jours de l’hôtel de Rambouillet et il aura passé de là dans le sanctuaire, et ses hymnes seront écrites à côté des cantiques qu’une sainte douleur, qu’un vif sentiment des grandeurs et des miséricordes divines inspirèrent au roi prophète. J’ignore si la foi de cet homme fut toujours bien pure, je veux Oublier les nuages qui l’obscurcirent quelquefois ; mais la charité, cette source de toute prière, était-elle bien ardente au fond de son cœur ? Je ne sais, mais il en parle rarement le langage. C’est avec trop de raison que l’un de nos grands hommes, le comte de Maistre, a dit que ses hymnes ne prient point. J’admire sa pompe, son élévation, mais il n’est pas le poète de la religion d’amour. Ses odes sacrées, si riches d’images et de grandes pensées sont vides de cette onction que le génie tout seul ne donna jamais. Quoi d’étonnant encore une fois ? Les paroles de Santeul devenir des paroles sacrées ! Ces vers qui aujourd’hui sont l’objet de ses triomphes, l’écueil de sa puérile vanité, demain passeront dans le langage de l’Église qui ne trouvera rien de mieux pour compléter sa pensée ! Certes, une pareille inconvenance eût été sentie par l’Église catholique ; elle sait trop bien choisir ses organes.
Mais voici quelque chose de plus étrange encore. L’Église n’a rien de plus cher que sa foi ; c’est sa vie. Elle a en horreur l’hérétique ; elle ordonne de le fuir et de l’éviter. Elle sait que toutes ses paroles sont autant de sacrilèges ; c’est pourquoi elle les flétrit et défend même à ses enfants de discerner ce qui pourrait encore s’y trouver d’orthodoxe, tant elle repousse tout ce qui peut sortir de la bouche de ses sujets révoltés. Cependant quel est cet autre poète dont la voix religieuse et sublime s’échappe depuis un siècle des temples français ? D’où partent ces accents si touchants et si purs qui naguère encore viennent de retentir à nos oreilles 6 ? Enfin l’Église de France aurait-elle trouvé ce chantre divin après lequel elle soupire depuis si longtemps ? Avant de la féliciter sur l’accomplissement de ses désirs, demandons aux dyptiques sacrés le nom du poète immortel qui reçut de si belles inspirations. Dans les fastes de l’Église de France, son nom brille sans doute à la plus noble page. Celle qui chante, avec tant de plaisir, ses cantiques, peut montrer sans doute avec orgueil sa vie et ses vertus. Si elle a cru devoir l’associer à ses vœux, c’est qu’elle a reconnu en lui l’homme vraiment fidèle. Mais quoi ? je cherche en vain son nom parmi ceux qui sont écrits dans les cieux 7 . Il n’est point dans l’Église ; il est donc hors de son sein. Oui ! une sexe le réclame, une sexe triomphe des honneurs qu’on lui rend, étonnée qu’une voix étouffée sous les anathèmes ait pu plaire encore à ceux même qui les lancèrent. C’est Charles Coffin, rebelle à l’Église, repoussé par elle jusque sur son lit de mort. C’est lui qui expie peut-être au fond des enfers le triste et singulier honneur d’avoir été l’interprète de l’Église.
Et maintenant, dites, êtes-vous toujours aussi positifs sur l’autorité de vos liturgies ? Voyez-en l’origine, et jugez-les enfin. Rappelez-vous leurs corrections répétées jusqu’à nos jours, et confessez que vous avez substitué, à l’imposante liturgie de vos pères, de nouvelles qui n’ont aucune autorité et dont l’origine a grand besoin d’être voilée pour n’être pas trop affligeante aux yeux de la foi. Ne frémissez-vous pas à cette pensée : Il n’est point impossible que nos prières sacrées recèlent l’erreur : il est possible qu’au lieu de la prière d’un cœur obéissant, le Très Haut entende monter vers lui les vœux perfides de l’hérésie, et que sous des paroles, saintes en apparence, un sectaire ait caché son venin ? Cette pensée n’est-elle pas un reproche pénible, surtout quand l’Église romaine est là qui vous offre une liturgie dont la doctrine est garantie par l’autorité même de Dieu.
Il resterait encore de fâcheuses vérités à dire si l’on voulait examiner de près l’emploi si vanté de l’Écriture dans les nouvelles liturgies. Dans sa naïve et brusque simplicité Collet disait autrefois en évaluant à leur juste prix ces applications soi-disant si ingénieuses : « Combien d’antiennes paraissent « la plus belle chose du monde, quand elles sont détachées, et la plus pitoyable quand elles sont rapprochées de leur Source 8 ! » je pourrais fournir d’innombrables exemples à l’appui de cette assertion, mais il faut savoir s’arrêter. Notre but n’est point d’affliger la piété ; qu’il suffise donc d’avoir rappelé les principes généraux. Disons seulement que ce défaut se fait remarquer, sans exception, dans toutes les nouvelles liturgies, et que si toujours ces sortes d’applications sont dépourvues de l’autorité que nous offre, à chaque page, la liturgie romaine, très souvent elles manquent totalement du sens que l’on s’efforce de leur donner. Si l’on nous accuse de sévérité, notre réponse est toute prête. D’abord, il faut bien être un peu sévère dans une matière aussi grave, et ensuite, puisque l’on a voulu remplacer l’antique, l’universelle liturgie par une liturgie plus parfaite, ne sommes-nous pas en droit d’exiger cette perfection ?
Cet exposé si net et si franc ne passa point inaperçu. Une fois encore la vérité rencontra des contradicteurs. Au reste la lutte servait efficacement la lu. bonne cause. Prosper Guéranger se défendit avec toute l’ardeur de ses vingt-cinq ans 9 ***. L’Ami de la Religion et du Roi se fit l’organe des tenants du Gallicanisme. Fort étranger au sujet qu’il prétendait traiter, ce journal avança les propositions les plus étranges. On y déplorait « ces exagérations d’un zèle qui « ne connaît ni les règles de la prudence, ni le ton qui sied à la « charité, ni l’histoire de la liturgie ! » Dans dix ans, l’auteur des Institutions liturgiques formulera un jugement que le récit de la polémique dont il est ici question fortifia d’une manière éclatante. « Comment, au dix-neuvième siècles, écrivait-il, eût-il été possible de réussir dans une réforme liturgique, quand il est évident pour tout le monde que la science liturgique a totalement cessé parmi nous. » Cette réforme se fera, mais nous verrons au prix de quels efforts. Le lecteur nous sera reconnaissant de placer sous ses yeux la thèse soutenue par l’Ami. Elle lui fera connaître les dispositions de certains esprits, dès l’origine de la lutte engagée sur le terrain de la Liturgie, tout en le préparant à admirer la logique et la verve de la réplique. Reprenant en détail les assertions de ses adversaires, le jeune polémiste les réfutera toutes une à une, et révélant sans pitié tant d’ignorances et de contradictions, il ne laissera de cet échafaudage absolument rien debout.