SEPTIÈME CONFÉRENCE.
SOMMAIRE.
L’Esprit de foi, élément essentiel pour coopérer aux grâces actuelles. – La Foi en révèle seule l’importance. – Notion de la Foi.— La Foi spéculative ne garantit rien. – La Foi pratique protège tout — Danger à ne pas l’appliquer universellement.
DANS nos précédentes conférences, nous avons établi les premières assises de cette doctrine spirituelle qui conduit à l’ union avec Dieu. Nous avons rencontré les grâces actuelles et nous avons admiré la bonté de Dieu qui non-seulement nous attire vers l’ordre surnaturel, mais qui nous y porte sans cesse à l’action par des secours multipliés. Nous avons conclu dans l’ordre pratique que cette bienveillance du Seigneur nous oblige à une fidélité assidue envers la grâce, afin que ces dons précieux ne se perdent pas et s’enchaînent les uns aux autres, de telle sorte que nous recevions « gratiam pro gratia « , Ainsi l’édifice surnaturel monte, se soutient et ne court pas le danger de l’écroulement. Aussi avons -nous posé la nécessité d’une double attention : l’attention à conserver l’élément de la grâce sanctifiante qui est la vie elle-même, et l’attention à profiter des grâces actuelles que Dieu nous dispense d’une min si libérale, afin de nous attirer à lui.
DE là nous venons à un autre point de vue.
COMMENT le chrétien aura-t- il cette énergie, cette vigilance qui le portera à éviter le péché mortel et’ à ne pas laisser perdre les grâces actuelles ? Il y a un élément avec lequel tout doit marcher ; cet élément, qui est un principe de vie, comme dit l’Ecriture de l’Ancien et du Nouveau Testament, c’est la foi » justus ex fade vivit. » Il est impossible de faire son chemin sans une foi vive, ardente, agissante, croissante, pouvant seule alimenter les efforts de l’âme qui autrement serait entraînée en bas. Il nous faut chercher notre fin en Dieu ; mais dans notre pèlerinage nous sommes encore loin du Seigneur peregrinamur a Domino. » Il faut donc pour que nous puissions cheminer , que la foi nous rende présentes les choses que nous goûterons complètement dans la vision. Saint Paul nous l’enseigne clairement dans son épître aux Hébreux : » Fides est speranclarum substantia rerum. » La foi est substantielle par sa nature. Ce n’est pas un rêve, un caprice de l’imagination, mais une force vive, réelle, qui représente en nous les objets de notre espérance. Il y a déjà comme une possession de Dieu dans cette connaissance que nous donne la foi. Elle nous fait connaître les rapports qui existent entre Lui et nous. La foi établit dans l’âme la réalité de ces choses, en sorte que nous pouvons bâtir dessus ; c’est un fondement solide. Et bien que son objet ne doive pas paraître parce que nous sommes dans l’état de voie et que l’épreuve cesserait si nous étions déjà compréhensifs ; elle n’en est pas moins l’argument, la preuve sur laquelle repose, quant à notre intelligence et à notre volonté, la certitude de ces choses qui ne paraissent pas encore » argumentum non apparentiurn. »
SANS cette foi on n’arrive pas. Aussi qu’est-ce qui se passe dans les âmes qui ne font pas bien leur chemin ? Dans le monde, elles cheminent tant bien que mal. Elles n’ont pas entièrement éteint la foi, et elles se réveillent au dernier moment. Elles reçoivent les sacrements à la mort et sont sauvées vaille que vaille. Souvent les hommes deviennent moins bons à mesure que les années augmentent ; et cependant ils fréquentent les sacrements ! Qu’est-ce, que cela atteste ? Une déperdition de la foi. Ce point central n’étant pas un point de résistance a été de faiblesse en faiblesse ; il s’en suit une décoloration qui s’étend sur toute la vie.- On s’inquiète quelquefois avec raison ; parce que à mesure que l’on s’approche d’une lumière, on devrait être plus éclairé. Après l’aurore vient le soleil. Il faut comprendre que la foi doit croître et se développer. Si elle n’est pas forte, la grâce ne sera pas appréciée, tantôt sur un point, tantôt sur un autre. On tombera dans un certain relâchement pour la pratique, on n’a plus la même recherche de Dieu. Pourvu que cela dure, on ne sait pas où on peut aller. Quelquefois on se rendra compte de cet état avec effroi, et on cherchera l’explication de ce mystère. L’éclaircissement c’est que la foi n’est plus dans le même état.
QUAND je dis la foi, je ne parle pas de l’adhésion aux vérités révélées, qui est toute humaine. Il faudrait être absurde ,quand on a connu les preuves du Christianisme, pour cesser d’y croire. Mais on peut avoir cette conviction sans avoir la foi dont nous parlons et que S. Paul appelle une nourriture. » Justus ex fide vivit. »
COMMENT fera l’homme pour conserver cette foi si nécessaire, cette cheville ouvrière, si je puis ainsi parler, afin qu’elle n’éprouve pas de déperdition ? Il faut premièrement qu’il en sente tout le prix ; qu’il comprenne que cette foi n’est pas une qualité naturelle ou un acte spéculatif , mais une vertu de Dieu infuse en nous, un don inestimable. Voulons-nous que cette foi , au lieu de souffrir augmente en nous ? Faisons un pale avec nous mêmes de ne rien voir jamais qu’au point de vue de la foi. Qu’est ce qui perd les âmes ou rend au moins le salut fort douteux ? C’est qu’on s’isole de la foi , qu’on n’a pas gardé son point de vue en toutes choses.
Quand on est dans le ministère, par exemple, on sent qu’on se doit donner du mal pour l’administration des sacrements. Il y a de ce côté une réclamation de la foi. Mais cela ne suffit pas. Il faut que la foi soit le principe de lumière qui rend tout le corps lumineux, qui dissipe toutes les ténèbres. Nous ne devons pas souffrir en nous-mêmes un seul jugement , une seule appréciation , dont nous n’ayons vu la conformité avec la foi ; pour que la foi illumine tout l’homme, il ne faut jamais qu’il juge d’après le sens naturel , mais d’après le sens révélé, soit pour lui soit pour les autres. Nous savons que des ténèbres de la raison obscurcie par les suites du péché, nous avons été transportés dans la lumière de la foi , de la mort à la vie, dit S. Jean : » Translati sumus de morte ad vitam. »
IL ne nous est plus possible de nous conduire par les mêmes principes qu’autrefois. Au dessus des méchants lumignons de la raison, nous savons qu’il y a une lumière céleste, infaillible, qui doit nous régler et nous conduire. Gardons-nous de voir quoi que ce soit à un autre point de vue, quand même ce serait contre nous.
IL faut prendre garde aux préjugés qu’une certaine lassitude engendre dans l’homme. Il y a là un piège. On a des principes sûrs, mais on est comme fatigué de réagir contre les tendances de la nature, et on arrive à juger sur certains points comme le vulgaire, selon l’esprit du monde maudit par Jésus-Christ. On finira même par se faire des systèmes sur des quantités de choses ; on jugera d’après les instincts du monde, des sens, de la chair, de l’orgueil. On voit cela, et pourquoi ? Parce que les jugements que l’on émet ne cadrent plus avec la foi. Notre appréciation des choses n’est plus basée sur les enseignements de Notre Seigneur; c’est d’en bas que nous prenons le point de vue. D’autres manières de voir sont ancrées en nous. Dans les dernières fibres de l’âme la foi vit toujours ; mais on ne la sent plus dans une foule d’âmes et de jugements: cela s’arrange comme çà peut. La vie n’est plus qu’un tissu d’inconséquences.
RIEN n’est plus commun que cette manière de penser et d’agir. Si on ne jugeait qu’au point de vue de la foi , combien de modifications n’apporterait – on pas aux conversations, aux jugements, aux démarches ? La foi seule peut nous révéler l’importance de la grâce sanctifiante et des grâces actuelles. D’abord, avec une foi vive, nous nous garantissons facilement du péché mortel qui nous dépouillerait de la grâce sanctifiante ; ensuite, pour ce qui est des grâces actuelles, nous sommes moins exposés à nous cuirasser contre leur descente dans l’âme. On voit toujours le sang de N. S. Jésus-Christ qui est la source de ces grâces, la bonté du Père céleste qui nous les accorde; et l’on ne veut pas prendre la responsabilité de les rendre inefficaces par un refus de concours.
UNE des choses les plus caractéristiques pour savoir où nous en sommes par rapport à l’esprit de foi , c’est de nous demander le goût que nous avons pour la parole divine consignée dans les saintes Écritures, dans la liturgie, pour la parole même des saints, qui est aussi comme une vibration de celle de Dieu. Quand nous nous épanouissons en présence de cet élément , tout va bien ; mais si nous sommes indifférents à son égard, si nous n’avons pas de passion pour les choses révélés, si nous ne les considérons pas comme l’oracle même de Dieu, la foi est en baisse et nous courons des risques. Lorsque une personne se porte bien, elle émet le cadrent plus avec la foi. Notre appréciation des choses n’est plus basée sur les enseignements de Notre Seigneur; c’est d’en bas que nous prenons le point de vue. D’autres manières de voir sont ancrées en nous. Dans les dernières fibres de l’âme la foi vit toujours ; mais on ne la sent plus dans une foule d’âmes et de jugements: cela s’arrange comme çà peut. La vie n’est plus qu’un tissu d’inconséquences.
RIEN n’est plus commun que cette manière de penser d’agir. Si on ne jugeait qu’au point de vue de la foi , combien de modifications n’apporterait – on pas eux conversations, aux jugements, aux démarches ? La foi seule peut nous révéler l’importance de la grâce sanctifiante et des grâces actuelles. D’abord, avec une foi vive, nous nous garantissons facilement du péché mortel qui nous dépouillerait de la grâce sanctifiante; ensuite, pour ce qui est des grâces actuelles, nous sommes moins exposés à nous cuirasser contre leur descente dans l’âme. On voit toujours le sang de N. S.
Jésus-Christ qui est la source de ces grâces, la bonté du Père céleste qui nous les accorde; et l’on ne veut pas prendre la responsabilité de les rendre inefficaces par un refus de concours.
UNE des choses les plus caractéristiques pour savoir où nous en sommes par rapport à l’esprit de foi , c’est de nous demander le goût que nous avons pour la parole divine consignée dans les saintes Écritures, dans la liturgie, la parole même des saints, qui est aussi comme une vibration de celle de Dieu. Quand nous nous épanouissons en présence de cet élément , tout va bien ; mais si nous sommes indifférents à sen égard, si nous n’avons pas de passion pour les choses révélées, si nous ne les considérons pas comme l’oracle même de Dieu, la foi est en baisse et nous courons des risques. Lorsque une personne se porte bien, elle a de l’appétit ; c’est à ce signe qu’on reconnaît la santé. Mais si la Meilleure nourriture n’offre pas d’intérêt, on reconnaît immédiatement qu’il y a maladie. Il ne s’agit pas ici du religieux, mais du simple chrétien qui veut servir Dieu. Pour nous, quelle énorme quantité de cette nourriture céleste nous est distribuée chaque jour sous toutes les formes ! Quand on arrive à l’insensibilité il y a de véritables risques pour l’âme.
IL nous faut donc faire tout ce qui est en notre pouvoir pour raviver dans nos âmes le sentiment de la foi; c’est le point de départ de tout progrès dans la vie spirituelle. Voilà pourquoi nous avons un si grand besoin de répéter sans cesse la prière des apôtres: » Seigneur, augmentez en nous la foi; Rumine adauges nobis fidem » Le Saint Esprit a voulu que cette parole fût écrite afin qu’elle nous servit de réale et qu’elle se retrouvât souvent sur nos lèvres. Voyez du reste comme Notre-Seigneur est sensible à l’esprit de foi. Il est venu de Galilée en Judée : que cherche-t-il ? La foi. Il en rencontre si pou qu’il revient sur ses pas ; et alors il trouve un gentil à la vue duquel il est comme transporté d’admiration : » Je n’ai pas trouvé, s’écrie-t-il, tant de foi, en Israël ; » Non invimi tantafe fident in Israel! » comme s’il disait : en voilà un au moins dans lequel je trouve le gage du salut.
CETTE foi ne se conserve et ne s’accroît que par la prière . Je ne parle pas, remarquez-le bien, de cette foi spéculative, de cette adhésion aux vérités révélées qui peut être le résultat purement naturel de la science ; mais de cette foi qui est une nourriture, qui engraisse l’âme, qui la transforme, qui fait que tous les jugements, les démarches, le langage en sont inspirés. Demandons à Dieu cette foi ainsi entendue. L’adhésion aux vérités révélées est logiquement nécessaire ; mais si elle n’est que spéculative, elle ne porte pas au salut éternel, tandis que la foi pratique sauve et met tout en sûreté.
MAINTENANT examinons-nous sur ce point , mais voyons quel est le principe de nos jugements et de nos volontés, agissons-nous toujours en vue de ces biens que l’on doit espérer, » erandarum rerum, non apparentium ; » en sorte que nous ne craignions pas d’être en opposition avec le monde. Celui qui a la mauvaise habitude de penser comme les gens du siècle, en dehors du point de vue de la foi, a bien raison de s’inquiéter. Il est naturel qu’on ne s’amuse pas à redresser les torts et à remettre les gens dans leur chemin , quand on n’a pas mission pour cela , mais Dieu demande qu’on n’abonde jamais dans le sens de la chair et du sang. Et si l’on faisait attention , que de paroles échappent qui ne devraient jamais être prononcées par un chrétien, parce qu’elles renferment une petite apostasie ; et qu ‘en les proférant on cesse d’être avec Notre-Seigneur.
IL y a de ce côté un très-grand péril. Il faut avoir assez de courage pour ne pas craindre d’être regardé comme un peu excentrique ou exagéré. C’est presque infaillible par cela seul qu’on juge et qu’on parle au point de vue de la foi ; point de vue si peu ordinaire. Souvent dans des sociétés ou tous les membres appartiennent à l’Église, on entend dire bien des choses qui ne devraient pas être dites ; et si l’on parle comme un vrai chrétien , on choquera. La faiblesse humaine est si grande que ces choses peuvent arriver là même où elles ne devraient jamais se présenter. Notre Seigneur est venu apporter la réforme entière à l’homme déchu. Il pousse dans un autre sens que la chair et le sang, que la raison même, obscurcie qu’elle est par le péché. Il y a dans l’homme tombé une loi qui l’entraîne au mal. Cela est vrai non seulement pour les œuvres et la conduite, mais pour le jugement. D’un côté comme de l’autre le sacrifice est nécessaire. Le diable a intérêt à obscurcir l’entendement chrétien. Si la foi n’est pas vive, nous sommes perdus ; nous rencontrons des pièges à chaque pas.
UNE chose très-dangereuse, c’est le mauvais exemple, c’est d’entendre juger sans la foi : surtout si ces jugements sortent de la bouche de personnes âgées et respectables. Le diable est là pour nous dire ; » un tel juge de telle façon. » Si noue nous arrêtons là, et au lieu de chercher notre règle dans la foi, si nous la prenons dans tout ce qu’il y a de plus changeant, c’est-à-dire dans la créature, cela peut nous conduire très-loin.
IL nous faut une grande indépendance dans tout ce qui touche à la conservation de notre foi. Nous l’avons reçue dans le baptême ; les sacrements, les sacramentaux sont mis sans cesse à notre disposition pour la développer : l’Église nous l’a confiée comme tout le reste pour être gardée par notre fidélité. Oui que ce soit que nous entendions, fût-ce des personnes presque complètes, mais auxquelles il manquerait un point, ne les suivons pas de ce côté. Il faut savoir ne dépendre que de Dieu et de sa foi. Par là on est sûr que tout va bien.
VOILA une thèse de la plus haute importance. Nous ne pouvions aller plus loin sans l’avoir posée. Une fois admise, vous voyez le parti qu’on en peut tirer. La grâce sanctifiante et les grâces actuelles sont en sûreté dans l’âme où règne la foi ; non pas dans cette âme où les vérités de la religion sont simplement connues, mais dans celle où la foi est aimée, où la foi est le critérium voulu et appliqué constamment.